sécurité santé solidarité : la sociale

Avant de glisser votre bulletin dans l’urne aujourd’hui, prenez juste un moment pour considérer ceci :

Supprimer les cotisations sociales (qui ne sont pas des charges mais un financement solidaire d’un bien commun : la protection sociale) d’abord patronales puis salariales, va peut-être réduire le coût direct du travail et peut-être augmenter votre feuille de paie, peut-être. Encore que pour financer la sécu, il va falloir du coups augmenter la CSG. La Caisse de la Sécurité Sociale a été créée pour être indépendante des alternances politiques, gère un budget de 1,5x le Budget de l’État, et elle est gérée de manière paritaire. Aucun autre système n’est aussi performant : quand vous confiez 100 euros à la Sécu, 11 vont aux coûts de fonctionnement, quand vous confiez 100 euros à une mutuelle, c’est entre 25 et 35 euros qui vont aux coûts de fonctionnement!

Vous aurez toujours besoin de vous soigner, d’aller aux urgences, la question reste donc celle du mécanisme de financement de ces dépenses.

Depuis sa création, la Sécurité Sociale a pour mission de préserver les Français de la misère et de la pauvreté et elle l’a très bien fait. Quand vous allez vous soigner, on vous demande votre carte de sécu, votre carte de mutuelle (moins efficiente) et éventuellement votre chéquier ou votre carte bleue.

En revanche, depuis sa création, beaucoup de politiques et d’entreprises se sont idéologiquement opposés à ce système de “cotiser selon ses moyens, recevoir selon ses besoins” et ont donc progressivement introduits des coins dans le système pour progressivement organiser son déficit :

À sa création, les cotisations prélevées donc à la source étaient alignées sur les besoins, la massification avait pour but de réduire les coûts de fonctionnement et de donner des moyens importants. Beaucoup de professions ont idéologiquement refusé ce système pourtant très solidaire : les agriculteurs, les professions libérales (RSI) etc. créant de fait une première profonde disparité.

Si vous acceptez l’arrêt du système de cotisation à la source et le remplacez par une taxe plus une augmentation de la part mutuelle privée, vous perdez dans tous les cas en efficience, mais vous créez une disparité de fait entre ceux qui auront les moyens de payer une mutuelle, donc d’être plus ou moins bien soignés en fonction des revenus, et surtout, vous rendez la protection sociale dépendante des alternances politiques et de l’industrie de la santé.Ne confondez pas les problèmes : La façon dont l’argent de la sécu est dépensé, c’est à dire la qualité des soins reçu, l’état des hôpitaux etc. est une autre question : la situation des hôpitaux vient justement de l’idée qu’un hôpital doit être à l’équilibre financier, mais les politiques refusent d’aligner les ressources sur les besoins, en créant des aberrations comme la tarification à l’acte qui laissent aux hôpitaux les charges les plus lourdes (oncologie, maternité compliquées, maladie chroniques de longue durées) tandis que les cliniques s’efforcent de privilégier les actes rentables…

Ces mêmes politiques fustigent le “trou” de la sécu (±70 milliards) tandis que l’évasion et la fraude fiscale représentent ± 150 milliards… Plus ces politiques auront la mainmise sur le choix des dépenses, plus ils auront tendance à le confier au secteur privé (CADES de Juppé), Mutuelles d’entreprises obligatoires etc.Visez long terme…

Visez solidaire aussi car vous, seuls face aux mutuelles, serez écrasé le jour où vous ou vos proches seront affectés par une longue maladie.

Supprimer les cotisations sociales, c’est supprimer la Sécu, avec à terme, une privatisation du système de santé et de retraite donc une efficience réduite.Merci d’avoir pris le temps de lire et bon courage…

Retour dans l’arène

Ça faisait pas mal de temps que je n’avais plus battu le pavé, animé des débats, collé des affiches, tenu des stands militants, avec plein de presse alternative et tout.

Fakir, je connaissais bien, je lisais régulièrement. Et puis, Ruffin à Là-bas Si j’y Suis, c’était le beurre salé sur les fakirs (un genre de radis), cette petite touche relevée sur un croquant juteux frais, savoureux, parfois doux, qui pouvait aussi vous faire monter la moutarde au nez.Fakir ? CQFD ! Et quand je lui ai fait découvrir, ça faisait longtemps que j’avais quitté mes chaussures de montagne, ma tête sans coiffure, tondue, avec une touche un peu bûcheron, contre le costard cravate, histoire de choisir un autre angle d’attaque pour le combat : l’enseignement supérieur, plutôt vers ceux qui tiennent le manche donc, histoire de semer des graines.

Elle, elle à tout de suite accroché, s’est abonnée, a fait les salons avec eux. De fil en aiguille, et parce qu’au fond, on ne se refait pas — et là, franchement, à deux, c’est vrai, c’est mieux — nous voilà dans la distribution militante, l’organisation de projections-débats, et tout et tout… Nous voilà donc aux Nuits Debout aussi, mais ça, c’est un autre sujet.

Premier mai à Lyon, morne plaine.

Le froid, presque du grésil, l’absence de coordination Nuits Debout & syndicats, bonjour la convergence, circulez, c’est pas le grand jour. Du coup, ce matin du 2 mai, donc, après un premier mai raté, me voilà parti pour aller diffuser du Tchio « Non à la loi El Khomeri et à son monde ». Rien que deux milles, une paille… J’avais vu un peu trop grand, la météo n’est vraiment pas favorable ce printemps et du coup, ça me cassait les pieds d’avoir autant de papier urgents à faire lire sur les bras. Et puis, ce qui au départ devait être un début de matinée s’est transformé en journée Tchio Fakir. Une belle journée en somme.

2 mai, Gare de Part-Dieu, 8h00…

Déjà là, vous pourriez dire : 8h00, c’est plus la France qui se lève tôt. Certes, mais quand on a des enfants, on s’occupe quand même d’eux avant d’aller faire du bénévolat militant. Sinon, on refait le monde à leurs frais, c’est-à-dire « faites ce que je dis, pas ce que je fais ». J’ai toujours pensé que les gens qui faisaient plein de choses géniales, mais qui étaient de vrais casse-pieds égoïstes dans leur vie n’étaient pas si brillants que ça. Je préfère être moins bon, mais être moi-même en respectant mon environnement, qu’un donneur de leçon dont la vie n’a rien à voir avec les valeurs revendiquées — vous avez pensé éditocrate, avouez !

Donc, je traverse la gare pour aller coté Rhône histoire de sentir l’ambiance, et me pose au milieu des distributeurs de « journaux » gratuits, comme s’ils n’étaient pas là, ou plutôt, je ne leur demande pas leur avis, je pèse qu’eux-mêmes font ça pour avoir du boulot, pas pour se fâcher avec les autres. Ça m’a fait bizarre au début: pendant des années, je prenais le train et je ne supportais pas d’être assailli par ces distributeurs de papier toilette que l’on retrouve partout dans la journée, jonchant les gares, les trains les voies. Des centaines de kilos de papier rempli de pub déguisée en information, quotidiennement dilapidés pour rien.

Bien que je l’ai vécu quotidiennement de l’autre côté de la barrière, je ne m’imaginais pas à quel point, en creux, ce mode de distribution est symptomatique d’une société malade. Je n’ai jamais pris les gratuits, je ne peux pas comprendre que l’on puisse imaginer s’informer avec du travail de terrain et des salaires décents, même avec de la pub, voire surtout avec de la pub, dans un papier gratuit. Mais ce n’est pas le pire. Les voyageurs qui entrent ou sortent prennent machinalement les gratuits, voire pour certains, vont les chercher. C’est à désespérer quand on en connaît le contenu…

Et de l’autre côté, ils regardent d’un œil méfiant le journal que je leur tends: un Tchio avec en gros titre « Non à la loi El Khomeri et à son monde ». La plupart ne regardent pas vraiment, ils ne vont pas changer leurs habitudes. Certains font la moue, c’est sûr, dès que ça parle vraiment politique, là, il n’y a plus grand monde. Normal. Le PPA a bien fait son travail : il bourre la tête de leurs clients d’idées économiques et sociales préconçues, politiquement formatées, cachées sous un discours revendiquant la neutralité… Des décennies que ça dure, ce n’est pas un Tchio qui va leur remettre le cerveau à l’endroit d’un seul coup. Quoique.

Même si c’est une personne sur cent qui en prend un, en une heure, soit une soixantaine et que sur ces un pour cent, il n’y en a qu’une dizaine qui ont eu la présence d’esprit de se demander si c’était gratuit ou pas, c’est déjà pas mal. Résultat, je laisse filer, ça couvrira à peine les tickets de métro de la journée. J’irais faire un saut à la Croix Rousse, peut-être là…

Il y a quand même quelques curieux qui de temps en temps, ralentissent voir s’arrêtent et prennent le temps de lire la manchette. Mais ils sont rares, très rares.

L’information gratuite

Franchement, il y a de quoi l’avoir mauvaise et on se prend à rêver d’une loi contre la concentration des médias parce que là, ils sont vraiment trop forts : les gratuits, derrière, il y a déjà Bouygues, Bolloré, et Schibsted (côté en bourse) avec le groupe Sipa. Bref, vous connaissez l’adage, « quand c’est gratuit, le produit, c’est vous », du temps de cerveau disponible version papier, qui formate bien. Avec la télévision et la radio déjà aux mains des mêmes, impossible d’échapper à l’orthodoxie libérale. On a l’air de quoi avec nos vraies enquêtes ? Nos journaux papier qui sentent la révolte ? Nos chiffres pas bidonnés ?

Ceux qui passent là le matin à la Part-Dieu, ce sont majoritairement des classes moyennes et plus, et des étudiants, quelques lycéens. Donc, quand ils ne dorment pas dans le train ou n’écoutent pas le prurit des radios, ils « s’informent » avec les gratuits. Je vois les dégâts dans tous mes cours. On se doute bien que ces classes sociales là, qui détiennent de manière passive un pouvoir massif, a bien été ciblées par les marchands, bien formatée… Il n’y a qu’a voir avec quels réflexes elle se saisit voire va chercher le gratuit, plusieurs gratuits même, et fait la moue quand elle me voit tendre un journal où il y à écrit en gros « Non à la loi El Khomeri et à son monde », et mon beau costume noir avec la cravate rouge, tout sourire, enjoué, cordial et poli, n’y changeront pas grand-chose.

Les cinémas

Au bout de deux heures, je suis gelé, je remballe, quitte la gare de Part-Dieu et change de crèmerie. Je reprends mon caddie de course carrouf noir, avec mon vieux parasol plié, et fonce dans le métro. Direction les cinémas pour déposer des liasses de Tchios, aux Terreaux, à Bellecour… L’autre cinéma, je l’avais visité rapidement le 1er mai. Art & Essai, un peu gauche Rabbat, qui n’avait pas voulu projeter le film au début, a bien fini face au succès du film à le programmer. Du coup, le 1er, après un une manif ratée et une météo à vous faire tomber les demis de blanches en ressassant avec les copains pour la Xème fois l’organisation des Nuits Debout, j’avais déjà lâché une liasse de Tchios histoire d’être sûr que les retraités de la « gauche de combat » puissent avoir une lecture un peu moins… consensuelle.

Place Bellecour

Après le tour des cinémas, avec un accueil très positif des Cinés Populaires pour mettre bien en évidence les tchios aux caisses, je me suis posé à l’entrée de la rue X, piétonne, entre la sortie de métro et l’alignement de magasins à thèmes. Là, en plein dans le flux des touristes et des gens qui vont consommer leurs sorties, j’avoue que j’ai eu des grands moments de solitude. C’est la foire : d’un côté, les jeunes qui font les gros durs au Mc Do et se frittent pour un oui ou un non, de l’autre, ceux qui vont faire du shopping dans leur parc à thème préféré. Triste. Heureusement, un podcast de là-bas dans une oreille m’a redonné de la patate et me voilà faisant de grands sourires et plaisantant parfois pour attirer l’attention : « il n’y a pas que la consommation dans la vie ! Vous connaissez le journal Fakir ? ».

Stratégiquement, j’avais remarqué à la Part Dieu que le journal seul ne suffisait pas à attirer l’attention. Du coup, une affiche de Merci Patron pliée sur ma pile de Tchios d’un côté, bien visible, et l’autre main qui présente le Tchio, ça marche un peu mieux. Enfin, un peu. Parce que là, vraiment, à part quelques convaincus ou connaisseurs, pas grand-chose d’autre que des moues un peu dégoûtées en voyant en noir « El Khomeri » et quelque chose me dit que ce n’est pas un malentendu : tous ces consommateurs les bras chargés de sacs de magasins de marques, il m’est avis que « le temps des cerises » doit plutôt les agacer qu’attirer leur sympathie. Bien sûr on croise forcément des gens qui vous disent « ah merci patron j’en ai entendu parler il faut que j’aille le voir, mais je n’ai pas eu le temps ». « c’est juste à côté là vous voyez au C. Bellecour juste là, après le tabac ». « Ah bon, il y a un cinéma là ? Je ne l’avais jamais vu! ». Oui, il faut se faire à l’idée que c’est populaire, mais en fait, ça l’ait plus du tout. Depuis longtemps.

Le costume cravate

Celui interroge souvent aussi, c’est mon costume cravate. Alors que mes copains mettent le tee-shirt I Love Bernard, moi, j’ai choisi de conserver mon attirail de cadre sup.

« c’est vrai que ça fait étrange la cravate et le costume, surtout le costume… On dirait les comment là… les évangélistes… »

Bon, voilà autre chose, décidément, mon choix de m’habiller en costume cravate surtout lorsque je milite fait toujours autant tiquer, mais celle-là, je ne l’avais pas vue venir. Intérieurement, je navigue entre la rage et la lassitude, je suis cadre, certes au chômage, mais chercheur et enseignant dans le supérieur dont pas un peu de temps en école de commerce, je ne vais quand même pas faire comme si j’étais un ouvrier ou un néo-bohème (j’es ai assez de taper sur les bobos).

« C’est ma tenue de combat. C’est ma classe sociale, donc c’est une façon pour moi de dire à ceux qui en font partie, regardez, dans ces combats, il y a aussi des cadres qui peuvent être du bon côté de la barrière… Une façon de les inviter à sortir du bois quoi ! »

C’est très optimiste comme approche, je sais, avec Internet, Linked-In et autres réseaux sociaux « professionnels » vous pouvez être sûr que vos chances de carrière dans une grande école ou une entreprise vont vite se réduire si vous laissez filtrer le moindre doute sur le modèle actuel. Je ne me fais guère d’illusions, mais bon.

Le 28, dans la manifestation, juste avant que l’on arrive place Bellecour, je voyais des ouvriers qui nous regardaient interloqués depuis le premier étage d’un immeuble. J’ai beau être dans un logement social, ils ne sont pas du même quartier que moi ceux-là, mais plutôt de Vaulx ou de Vénissieux. Du coup, de la rue, dans mon costume cravate, je leur ai fait des grands signes pour les inviter à nous rejoindre, et du coup, tout le monde à fait de même. Certains d’entre eux nous ont fait comprendre par signes qu’ils ne pouvaient pas… La précarité chez les ouvriers beurs et blacks, les emplois ça fait 40 ans qu’ils courent après, et même si on espère que ceux-là ce jour-là avaient un contrat, on se doute bien qu’ils n’en auront plus jamais s’ils quittent le chantier pour nous rejoindre. Mais bon, ça a changé leur regard un peu narquois, et du coup, certains on fait des V de victoire, et la foule de la manifestation à levé le poing et a applaudi. Symboliquement, au lieu d’avoir des ouvriers qui bossent regardant passer une foule de pas beaucoup de grévistes, mais surtout des militants, et bien nous étions ensemble, et ça, ça compte énormément.

Si ce monde ne veut pas de moi, finalement, ça me rassure, je ne veux pas de lui ! On est bien assez pour en construire un autre.

Du coup, j’ai trouvé la parade. Au début, j’avais pensé à un Pin’s « I love Bernard », mais ça fait trop anecdotique, il faut rester dans le ton du costume cravate. En épluchant mes patates ce soir j’ai trouvé : Et si on faisait comme si, comme si nous, les cols blancs, on allait à un salon « I love Bernard » !

C’est vrai quoi, on fait des salons, des séminaires, des conférences, etc. Et à chaque fois, on a nos Goodies : le badge version boutonnière, le gros badge, genre porte-carte avec le plan du salon, etc. Et là, mais alors là… ça le fait trop bien :

Manque plus que la clé USB ;-)

La Croix Rousse

Bon allez, j’arrête de babiller, je vous raconterai ce que ça donne avec la panoplie complète…

Mais avant, promis, je reviendrai sur la soirée du 20 avril 2016, ou #51mars.

Et ça continue…

Depuis le 1er tour, comme à chaque élection, on assiste à un déversement de mépris pour les électeurs du FN. Le Parti de la Presse et de l’Argent est parti en campagne contre le Front National, enfonçant le clou qui les a jusque là disqualifiés aux yeux de ces électeurs… Depuis que je vis en France, je suis consterné par cette façon de faire de la politique, lorsque des millions de gens se reconnaissent dans un parti, dans une proposition, et que l’on n’est pas d’accord, on argumente, on essaye de comprendre, on propose…

Non ?

Et nous voilà de nouveau, sommés de sauver la Démocratie… La quoi ?

À chaque fois que les partis traditionnels sont en difficultés du fait de leurs incuries, nous avons droit aux mêmes injonctions, pour lutter contre la « montée » du Front National…  Encore ? Mais qui fait « monter » le Front National ?

Être de gauche, c’est considérer que chacun doit trouver sa place et que la richesse créée doit être répartie de manière équitable, que l’humain doit être libre.
Être de droite, c’est considérer que chacun doit trouver sa place et contribuer à la création de richesses au profit de quelques-uns, que l’humain doit se soumettre.
Avant, le FN était donc d’extrême droite. Les anciens caciques du FN dénonçaient l’interventionnisme de l’État, les taxes, les impôts, les dispositifs de soutient aux improductifs et aux « malades » (SIDA, homosexuel, etc.) et, avec la décolonisation et l’amertume de la perte de l’Empire, l’immigration.

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Depuis la décolonisation et la fin des trente glorieuses, le FN dénonce la présence de la population immigrée originaire d’Afrique du Nord venue construire la France pendant les trente glorieuses, et exige la fin du droit du sol pour que leurs enfants vus comme non « intégrables » ne puissent pas être français.

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Face à cette inquiétude, les autres partis se sont bouché le nez en niant une réalité objective : les immigrés d’Afrique du Nord ne sont pas « rentrés chez eux » et ont fait des enfants qui sont devenus de fait, des Français.

Les partis de gauche et de droite (PS, RPR, UDF, UMP etc.) se sont bouché le nez en méprisant ces préoccupations, en niant la panne de l’ascenseur social, en niant l’aggravation des inégalités, en faisant toujours semblant de traiter les conséquences sans jamais traiter les causes… Et en minimisant le fait que les enfants des premières générations, rejetés et laissés dans des ghettos, se sont tournés vers d’autres formes d’identification et de cohésion en refusant de se taire contrairement à leurs parents: revendications sociales, parfois violentes, communautarismes, parfois radicaux, adoption d’un islam wahhabite par certains comme moyen de reprendre en main un destin, trop contents de trouver des exutoires à des situations injustes qu’ils font leurs.

Dans une société désormais habitée par l’individualisme le consumérisme, qui frise le nihilisme, même pour les enfants des « Gaulois », le système libéral a détruit la cohésion territoriale et cassé l’ascenseur social laissant ainsi se développer un terreau fertile à la rancœur et à l’amertume.

Les élites de ces partis désormais amalgamés dans le même sac, car défendant finalement les mêmes valeurs, flirtant avec, ou possédant les médias, ont renforcé la stigmatisation de ceux qui questionnent, d’un côté le libéralisme et ses conséquences (sociales et environnementales) et de l’autre, les inquiétudes soulevées par l’augmentation de la part de français d’origine maghrébine et les revendications de certains d’entre eux, utilisant une forme radicale de confession musulmane comme moyen de cohésion et de reconnaissance faute de faire parti de la société française et le renforcement de communautarisme faute d’autres perspectives.

Ainsi, avec la mondialisation et son dumping social (on sera toujours plus cher qu’un ouvrier de Chine ou qu’un ingénieur Indien), et l’ultralibéralisme des classes dirigeantes des partis traditionnels, le FN a su faire sien d’un côté la dénonciation des classes privilégiées et des élites intellectuelles qui se sont révélées incapables d’adapter nos modèles économiques et nos systèmes de protection pour que chacun trouve sa place dans une société.

Face à l’injonction faite à tous ceux qui s’inquiètent de la croissance de la présence de l’Islam, de se taire, par l’ensemble des médias et des élites, le FN a récupéré les discours sur la laïcité alors qu’il défend fondamentalement le catholicisme, et a su au fil des années, attirer vers lui une grande partie des Français catholiques, en particulier les traditionalistes, grâce notamment à des personnalités comme Marion Maréchal Le Pen.

Depuis 1995, cette exaspération sociale s’est renforcée par l’incapacité des partis de gouvernement à recréer de la cohésion sociale et à résorber les revendications identitaires et les communautarismes. Ceci à permis de nourrir l’idée que d’une part, les intellectuels, les médias et les dirigeants actuels sont incapables d’entendre et de « protéger » les « vrais Français », et que d’autre part une 5e colonne de « faux Français » est désormais à l’œuvre, en voyant dans les attentats les prémices d’une guerre de civilisation qu’ils annoncent depuis des années… À tort ?

La question comme la réponse ne sont pas simples, mais la façon dont ce parti pose la question et y répond est simple à comprendre, et comme ceux qui sont en mesure d’y répondre de manière complexe et en tenant compte des enjeux longs, géopolitiques et historiques, ont depuis longtemps été discrédités par les médias et les partis traditionnels, laissant ainsi toute la place aux messages limpides du Front National.

Du coup, aujourd’hui, le FN, n’est plus « d’extrême droite », le FN est devenu, dans son discours, un parti National Socialiste qui défend une forme de solidarité sociale réservée aux « vrais Français ».

Et si son score augmente au fil des ans, c’est d’une part parce qu’une partie des déçus des autres partis soit s’abstiennent soit se tournent vers d’autres petites formations, et que d’autre part l’autre partie des déçus le rejoint dans l’espoir qu’il mette au pas les médias et les classes dirigeantes qui défendent un ultralibéralisme sans limites, et surtout qu’il mette au pas les immigrés et les musulmans.

La « réussite » du FN n’est que la manifestation de la faillite et des manipulations des autres propositions, des trahisons des valeurs soutenues depuis des décennies par les autres grandes formations. C’est la faillite d’une société sans valeurs humaines fortes, sans cohésion forte, sans projet, sans culture, sans avenir.…

Les marchés

L’histoire est toujours intéressante pour comprendre les enjeux sous jacents de l’actualité.

Par exemple, pourquoi les États-Unis veulent-ils toujours mettre en place des traités de libre-échange avec les grandes zones économiques, à l’instar de ce qu’il se passe en ce moment avec le traité de libre-échange transatlantique TAFTA (Trans-Atlantic Free Trade Agreement). C’est encore une fois une affaire de « marché libre » et « non faussé ».

Les origines contemporaines du « Libre échange »

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Source : touteleurope.eu

L’expansionnisme économique et militaire des États-Unis n’est pas une nouveauté, toute l’histoire de ce pays dès sa création est profondément marquée par la primauté accordée à ses enjeux économiques face à toute autre considération dans les lignes directrices de sa politique intérieure et extérieure.

Ainsi, quelques années à peine après le discours du président américain républicain James Monroe, le 2 décembre 1823, à l’intention des Européens, au cours duquel il fixe les directives de la diplomatie des États-Unis durant le XIXe et le début du XXe siècle, les États-Unis traversent le Rio-Grande sous des prétextes fabriqués dans le but de conquérir une partie du Mexique. Cette guerre mènera le Mexique à céder aux États-Unis, avec le traité de Guadeloupe Hidalgo en février 1848, les états de l’Arizona, de la Californie, du Colorado, du Nevada, du Nouveau-Mexique, du Texas, de l’Utah et du Wyoming, soit la moitié de leur territoire !

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Cet impérialisme datant en réalité d’avant la doctrine Monroe, avait fait de l’Amérique latine progressivement hors du contrôle de l’Espagne, la zone d’influence des États-Unis. Et il ne fallut pas longtemps pour que les entrepreneurs américains s’intéressent au Pacifique : Hawaï, le Japon et les marchés de la Chine. Entre 1798 et 1895, les forces militaires américaines sont intervenues à 103 reprises hors de leur territoire.

Howard Zinn : « Thus, by the 1890s, there had been much experience in overseas probes and interventions. The ideology of expansion was widespread in the upper circles of military men, politicians, businessmen-and even among some of the leaders of farmers’ movements who thought foreign markets would help them. »

Cette culture expansionniste s’est ainsi renforcée dans les milieux militaires, et s’étendait à toutes les élites américaines, voire même aux grands propriétaires terriens qui voyaient là la possibilité d’étendre leurs marchés. Ainsi, la grande dépression qui débuta en 1893 renforça l’idée que les marchés étrangers pourraient compenser la réduction de la consommation interne des États-Unis, et permettrait également de réduire les mouvements de protestation et de grèves dans un élan de patriotisme. Ce sentiment guerrier n’était pas là par hasard, il était entretenu, encouragé, exagéré par une presse au service des puissants, des militaires et du gouvernement :

Extrait d’un éditorial du Washington Post à l’aube de la guerre avec le Mexique (Zinn) :

« The taste of Empire is in the mouth of the people even as the taste of blood in the jungle. »

La classe politique américaine semblait unanime, comme le décrit Zinn :

« Several years before his election to the presidency, William McKinley said:

“We want a foreign market for our surplus products.”

Senator Albert Beveridge of Indiana in early 1897 declared:

“American factories are making more than the American people can use; American soil is producing more than they can consume. Fate has written our policy for us; the trade of the world must and shall be ours. »

Mais c’est de l’état du monde au sortir de la Seconde Guerre mondiale et de leur position hégémonique particulière à ce moment-là que les États-Unis, suivit par certains de leurs « alliés » vont ancrer profondément les modèles économiques et l’ensemble de leurs instruments, idéologiques, économiques et financiers, modèles qui vont structurer la seconde partie du XXe siècle jusqu’à aujourd’hui.

Ces outils et ces modèles s’étaient développés, théorisés et en grande partie imposés dès le XVIIIe siècle : Du XVIIIe au début du XXe siècle, une série de mutations économiques et industrielles avaient fait passer les empires occidentaux d’un modèle basé sur les productions agraires et artisanales à un modèle industriel et commercial, la première et la seconde révolution industrielle…

[12/2012, edit 09/2015]

À lire :

A people’s History of the United-Sates, 1492 to present, Howard Zinn

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Compétitivité, croissance blah blah…

On les entend chroniquer le matin sur France Inter, toutes les heures sur toutes les grandes radios, sur LCI, sur BFM, au journal de 20 heures, sur les sites des grands candidats, partout, nous tenir la jambe à bêler leurs litanies apprises par cœur dans les bréviaires d’économie de « grandes écoles », sans jamais comprendre un mot de ce qu’ils racontent.

Comme ils s’entendent les uns les autres, comme en écho, à longueur de journée, forcément, ils finissent par croire que ce qu’ils disent veut dire quelque chose, même s’il n’y comprennent souvent rien. Des chroniqueurs, tribuns et autres éditorialistes dont la vacuité me laisse voix quand ils analysent (ou éclairent, tiens ça va mieux qu’analyse comme c’était avant sur ce site), chroniquent « l’information économique », les « tendances des marchés » et « la vie des entreprises »…

C’est hilarant (enfin, il y a de quoi rire un peu jaune mais bon), parce qu’ils sont là à nous expliquer ce que c’est que le management des winners et la dynamique de croissance pour la création d’emplois, la compétitivité, etc. alors qu’eux-mêmes n’ont pour la plupart jamais créé une entreprise (oui, là, en bas, tout en bas là, à partir de rien), ou ne serait-ce que leur propre emploi* !

Et avec force termes en vogue : Points, actifs, heures travaillées, entrepreneurs, exception française et autres idées reçues du même acabit, nous expliquent à nous, ceux qui bossent pour faire rentrer des dollars et des euros dans la balance commerciale du pays, qu’on est vraiment des cons et que l’on ne bosse pas assez… Je résume parce que sinon.

Là, dans les réactions à un article, il y en a un qui vient de la maison des trous d’air ** semble-t-il (je ne sais pas qui il est, ça n’a pas d’importance) tout content qui vient et qui commence à nous sortir les phrases qu’on entend partout, du genre :

« La compétitivité/attractivité est le premier ressort de la croissance économique, donc du progrès de l’emploi et du pouvoir d’achat. »

C’est du charabia d’oxyures, un classique du genre !

Je vous laisse aller décoder le missile dans le commentaire numéro 26

* Je ne parle pas des économistes, de ceux qui réfléchissent et analysent l’économie au sens large, mais des journaleux qui font bzzzz dans les oreilles de ceux qui bossent.

** Je devrais dire que Besoin d’air c’est plutôt la Maison des courants d’air, parce que de toute façon, tant qu’on ne bossera pas au tarif d’un enfant de 12 ans dans une lointaine province d’Asie, on sera toujours trop chers pour les « retenir »… Mais bon, c’est un autre débat.

PS : vous ne trouverez qu’une seule idée fondamentalement pertinente et innovante sur le site de la Maison des courants d’air, par un certain Charles Duclos, elle est là, et celle-là, elle ne risque pas d’être soutenue par le MEDEF !