6 juin 2007 — Ils méprisent tellement toute forme de réflexion qu’ils vouent une haine aveugle à l’école, surtout celle de la République, celle de l’égalité.
Cette école qui leur a montré par l’exemple qu’il fallait travailler et faire des efforts pour avancer. Comme ils étaient paresseux, préférant rire gras en meute, coincer les filles timides quand personne ne les voyait, ou encore rire bêtement quand il ne comprenait pas ce que l’instituteur, puis les professeurs, essayaient de leur dire, ils ont très vite échoué. Les voilà disant que l’école n’était pas pour eux, que ça ne sert pas à grand-chose, que c’est des trucs d’intellos, de gauchistes, d’inutiles…
La seule façon pour eux d’accepter la contrainte de scolariser leurs enfants reste alors l’école primaire catholique.
Haine, oui, ils ne sont que haine.
De cette confrontation avec leur propre médiocrité, ils ont retenu que pour éviter qu’on leur renvoie leur propre indigence intellectuelle, il fallait revendiquer la veulerie, le pastis gras et les parties de chasse où lorsqu’ils tirent sur du gibier d’élevage lâché la veille, ils s’imaginent tirer sur les femelles qui se sont refusées à eux et qu’ils ont du prendre de force…
Voilà la France que M. Sarkozy est venu draguer…
Ces électeurs qu’il est si fier d’avoir récupéré et qui se comportent comme une mafia.
Ils ricanent amèrement à la farce de la nomination de M. Juppé comme sinistre de l’écologie et du développement durable parce qu’il sait qu’il pourra continuer à déverser tranquillement du round-up pour « nettoyer » les bords des routes, à brûler les emballages des engrais azotés qu’il balance allègrement dans ses champs, il sait que le syndicat majoritaire des agriculteurs fera toujours plus fort dans la surenchère d’aides publiques, de subventions à a la pollution, à la surconsommation…
Dans un sursaut réactionnaire, ils vomissent toute idée de progrès social ou humain, qu’ils s’empressent d’amalgamer sans état d’âme avec gauchisme, droit-de-l’hommisme, marxisme, égalitarisme et laxisme.
Ce même sursaut réactionnaire les pousse, dans un ultime râle poujadiste, à définitivement éliminer toute notion de service public, de fonctionnaire, de bien commun.
Voilà ce qui a mis M. Sarkozy au pouvoir.
Voilà ce que la droite « décomplexée » est fière d’avoir conforté.
Ici, on n’a pas peur de la surenchère et la loi de la plus grande gueule est un principe de base.
Cet électorat là se verrait bien porteur d’une idée consistant à finir le travail commencé en 41 : on entend ici autour des verres de marquisettes et de pastis des propos qui n’auraient pas déplu à la « France qui n’avait pas choisi le camp des vainqueurs ».
Ici il n’y a pas d’arabe, pas de « nègre » ou d’« assistés », mais on est certainement parmi les premiers à vivre des subsides de l’État ou de l’Europe.
Ici on ne dit pas un « nègre » ou « bougnoule » mais on dit sans complexe un « pneu », et il faudrait que ces soi-disant républicains de droite qui en appellent sans vergogne à Jaures et a Blum assument pleinement la portée de leurs actes et des valeurs qu’ils défendent sur le terrain.
Ici ils votent UMP parce que le conseiller général et le député UMP sont de leur réseau d’influence, pas pour faire de l’écologie et sauver l’humanité, pas pour réunir la France autour de la république et de la laïcité.
Pendant que le parti UMP des grandes agglomérations et des médias affiche des femmes et des minorités (sexuelles, d’origines différentes, etc.), dans son électorat, dans le monde rural, la réalité est diamétralement opposée : En caressant cet électorat pour assurer sa victoire, la « majorité » en a adopté la substantifique moelle : la haine de la culture, la xénophobie la plus radicale, le plus profond mépris des notions d’égalité et de fraternité.
Il faudra que cette majorité en assume les conséquences : toujours plus de violences faites aux femmes et aux enfants, toujours plus de racisme et d’antisémitisme, toujours plus de violences faites aux homosexuels, toujours plus de négligence vis-à-vis de la petite enfance, toujours plus de dérapages dans les bals, à la sortie des bars et dans les recoins de rase campagne, loin des regards…
On sent déjà les ça et là les spasmes de ceux qui se retiennent depuis tant d’années, et qui sont prêts à exploser pour déverser toute leur haine contenue, toute la violence de leur mépris pour les droits-de-l-hommiste, les pédés et les socialos-cocos.
Il n’y a pas que ça, mais ici…
Ici, ils votent pour le discours sur la « morale » de l’UMP parce qu’on sait que ce n’est pas cette morale-là qui va les empêcher d’utiliser l’argent public pour entretenir les églises et les écoles confessionnelles, payer des employés municipaux pour travailler dans les cantines scolaires des écoles privées…
Ici, ils votent pour le discours sur la « rigueur » de l’UMP parce qu’on sait que ce n’est pas cette morale-là qui va venir regarder les comptes des communes, les remembrements des parcelles et les croisements d’intérêts entre les potentats locaux et les dépenses des municipalités.
Ici, ils votent pour l’écologie de l’UMP parce qu’ils savent qu’elle s’accommodera sans problème de l’utilisation massive d’engaris chimiques, de pesticides, de désherbants. Ils savent que ce n’est pas cette écologie-là qui va remettre en cause la construction de logements sociaux mal isolés et chauffés à l’électricité, l’installation de chauffages collectifs au fuel, l’ouverture des chemins de randonnée au rallye de 4×4 et de Quads…
Ici ils votent pour la « valeur travail » de l’UMP contre les « assistés des banlieues » parce qu’ils savent que cela ne remettra pas en cause leur assistanat qui est au moins autant sinon plus lourd, d’aides de l’état et de l’Europe aux communes, des subventions publiques à l’agriculture intensive et polluante, des aides régionales et départementales aux infrastructures…
Ici, ils votent pour le « ministère de l’intégration et de l’identité nationale » parce qu’ils savent que ça permettra de soumettre encore davantage les melons et les pneus pour faire les travaux qu’ils ne veulent pas faire et que ce sont leurs enfants qui seront les chefs de chantiers et les conducteurs de travaux.
Il suffira d’avoir son député défendre une quelconque calamité pour voir s’ouvrir les poches de la république que « l’on dit pourtant vides quand il s’agit d’enseignement ou de santé…
Héritiers d’une révolution vite oubliée, voici les nouveaux féodaux
Cette France là se comporte en rentière, héritière des acquis sociaux et des infrastructures formidables, fruits du labeur lent, patient, déterminé, acharné des anciens qui peu à peu, ont arraché leurs enfants d’un avenir voué à un quasi-esclavage que leur imposait leurs origines sociales, leur milieu.
En enfants terribles et insouciants, ils ne voient plus ce que toute la société leur a apporté, directement ou indirectement, en conditions de vie, en possibilités, en options d’avenir pour eux et leurs enfants, non, ils ne voient plus que ce que l’état “leur prend”, pour le donner à ceux qu’ils appellent avec mépris et condescendance, des “assistés”, des “oisifs”…
Ils sont pourtant eux-mêmes des assistés ! Lesquels parmi eux n’ont pas utilisé les infrastructures publiques, l’énergie, le système de santé, les télécommunications. Lesquels n’ont pas bénéficié des investissements collectifs, nationaux, régionaux, départementaux ou de leur commune.
Ceux-là mêmes qui vomissent sur l’état et l’assistanat dont ils sont eux-mêmes bénéficiaires, sont les premiers à en appeler à la solidarité républicaine, nationale, lorsqu’ils s’estiment laissés pour compte de la solidarité et des investissements publics, ou encore lorsqu’ils sont frappés par les intempéries, les catastrophes naturelles, voire même lorsqu’ils souffrent des désastres dont ils ont eux-mêmes été les instigateurs au nom de la rentabilité ou de leur indépendance bornée…
Bien sûr aucun de ces systèmes n’est parfait, bien sûr, il faudrait adapter certains services, changer des méthodes, remettre à plat certaines structures. Mais il faudrait le faire dans l’intérêt de tous, pas dans l’intérêt de quelques privilégies qui auraient les moyens, pas au nom d’une entreprise idéologique du tout laisser faire.
Que la gauche se soit dévoyée est une évidence que nul ne saurait aujourd’hui décemment contester. Que la solidarité ait des ratées parce que certains malins en profitent, c’est aussi une évidence, mais ces actes restent minoritaires.
Mais quand on frappe le petit malin, quand toutes les caméras se focalisent sur le petit fraudeur, n’est-ce pas pour mieux éloigner les regards de ceux qui, à coups de millions, voire de milliard, font en sorte de bénéficier des largesses de l’état ?
Quand on fustige le poids de l’état, en pointant d’un doigt vengeur les fonctionnaires, en incitant le peuple à la haine et au mépris et leur faire porter tous leurs maux, tout en donnant encore davantage aux nantis et aux fournisseurs de l’état ; quand on détourne l’attention du peuple vers des petites proies faciles pour mieux avoir les mains libres pour détruire les derniers remparts de la liberté, de l’égalité et de la fraternité, qui est l’imposteur, Monsieur Fillon ?