La morale « décomplexée »

Un des sujets récurrents lorsque l’on débat de problèmes de sociétés avec ceux qui ont joyeusement voté pour N. Sarkozy, c’est celui de la « morale ».

Par exemple, ça revient souvent quand on évoque le rôle des parents dans une société ou les valeurs de la jeunesse seraient de plus en plus décadentes

Dans ce genre de discussions, on note une prise de distance rapide des Sarkozystes revendiquant une morale conservatrice, dès que l’on évoque le consumérisme effréné, la folie des marques, la précarisation des adultes, l’injection massive de déjections télévisuelles et radiophoniques dans les cerveaux sans cesse plus disponibles d’enfants — et tout particulièrement l’offensive commerciale massive auprès des très jeunes, des études ayant montré qu’implanter les marques dans les cerveaux des enfants de moins de cinq ans favorisait une image positive de la marque durant toute la vie du futur consommateur.

Bref. Pour les Sarkozystes, les problèmes de comportement sociaux à l’école et dans la vie sont dus à de la mauvaise graine qu’il faut éradiquer de la société, à des valeurs décadentessurtout celles issues de mai 1968, et évidement celles de gauche etc. en évitant soigneusement d’aller jusqu’au bout du raisonnement : à qui profite la vente de la médiocrité ?

Qui pousse la société dans ce sens ?

Hé oui ! C’est facile d’aller dire que les mômes sont de plus en plus violents et irrespectueux et que c’est sans aucun doute dû au laxisme de parents défaillants et indignes (de recevoir les aides sociales ?) poussés en ce sens par les valeurs décadentes de la gauche et sa culture de l’assistanat etc. ; plutôt que de s’intéresser aux valeurs abjectes que l’on vend à des « consommateurs » de plus en plus jeunes, et des conséquences que cela peut avoir sur leurs comportements citoyens, et d’une manière générale, sur l’évolution des mentalités de la société.

De fait, dès que l’on aborde cette question et que l’on creuse, ces parangons de la morale se réfugient derrière la liberté de choix, de consommation, le libre arbitre en somme, qui ne serait, bien évidement, réellement permis que dans une société enfin libérale : « s’ils consomment de la merde (et donc aussi en crèvent), ou se laissent influencer, c’est de leur faute ». (En discours gauche Casa, ça se traduit par « salauds de pauvres ».)

Pourquoi fuient-ils ce débat ? Tout simplement parce que ça remettrait en cause leurs choix de société, leurs soit disante valeurs, et pour beaucoup, les modèles économiques qu’ils défendent et leurs emplois, valeurs boursières et autres portefeuilles de rentes !

Dès le berceau, les enfants baignent dans une soupe télévisuelle, avec des personnages amicaux qui leur vendent des céréales pleines de pesticides, des yaourts aux parfums de synthèse, des barres sucrées pleines de sirop de glucose, sirop de céréales, imbibés d’additifs de toutes sortes, des graisses végétales hydrogénés, de la « musique » de synthèse préformatée etc.

Dès trois ans, les mômes se retrouvent dans les rayons des grandes surfaces à hurler qu’ils veulent les jouets des boîtes de céréales aux OGM, les peluches, les jouets, les habits et tous les sous-produits de leurs héros télévisuels, pleins de phtlates, de PVC, d’alkylphénols et autres paraffines chlorées

« Morale » disent-ils ?

À la préadolescence, nos enfants sont inondés d’images et de sons, toujours par les mêmes médias, qui les invitent à adopter des tenues vestimentaires, des comportements et des codes sociaux hypersexués : maquillages, jupes ras la touffe, nombril affiché, pantalons taille basse, décolletés, bijoux et tatouages du même style que ceux que portent les adeptes de percieng etc.

Pour des femmes, on peut trouver ça plaisant, débile ou amusant, en revanche, voir des gamines de douze ans, en pleine formation et éveil sexuel, prendre des poses suggestives dans des tenues très légères et maquillées avec des lèvres luisantes… Ça a profondément le dont d’être énervant.

C’est obscène, dans le vrai sens du terme. Et où vont-elles chercher tout cela ?

Imitent-elles les adultes ?

Non ! Ce sont en premier lieu des adultes, spécialistes de communication et de marketing, qui leur concoctent des plans médias sur mesure pour leur matraquer et leur vendre stars, musique, fringues, malbouffe et autres produits…

Et pour qui bossent ces adultes, pour le coup réellement et dangereusement irresponsables ?

Quand N. Sarkozy déclare que la France se porterait mieux avec davantage de personnages comme Bolloré, salue les grands travailleurs (!) que sont ses amis (Bouygues, Bolloré, Lagardère etc.) j’ai du mal à me ranger à son avis lorsque je zappe sur Direct 8, que je regarde les programmes parsemés de publicités de TF1, de TiJi et autres chaines destinées à la jeunesse comme les chaînes musicales, M6, Europe 2 TV, les radios telles que SKY, NRJ et tous leurs sites Web ciblés pour les jeunes qui font de la pub systématiquement pour des sites de rencontre, et tous les magazines en papier glacé qui dégoulinent des rayons presse magazine…

Soutenir Sarkozy, cette droite décomplexée à la morale à géométrie variable, c’est aussi trouver tout ça très bien, c’est approuver cette façon de faire du fric, de valoriser son portefeuille d’actions !

Chacun sa définition de la morale


P.-S. : Je ne sais pas vous, mais quand j’arrive à la fin de cette note, j’ai la nausée…

5 réflexions sur « La morale « décomplexée » »

  1. Belle envolée et belle démonstration.
    Je crois que ce n’est pas une morale à géométrie variable, mais à classe variable. Sarkozy, les siens et ceux de son panier de crabes ont une morale très libre, et même carrément une totale absence d’éthique, mais les masses travailleuses, y compris les cadres moyens, maintenant complètement intégrés dans le prolétariat, doivent se plier à une morale qui a, chaque jour un peu plus, force de loi.
    Je n’ai pas la nausée parce que j’ai l’espoir que ça ne pourra pas durer. D’ailleurs, tant qu’il y aura de la contestation comme la vôtre…

  2. Pour etre plus sérieux, je vois pas ce que sarko vient faire la dedans….. c’est ne histoire de société et c’est tout.

  3. @ Christian…

    Ben, comme c’est dit à la fin de l’article, N. Sarkozy ne rate jamais une occasion de citer en référence ses « amis » qui réussissent notamment — et surtout pour certains d’entre eux — de cette façon-là.

    Il y a une note intéressante là (oui je sais c’est un peu long) :

    http://forum.subversiv.com/index.php?id=136261

  4. Très bon post, enfin quelqu’un qui ouvre un peu les yeux

    Un peu d’accord quand même avec christian, sarkozy est loin d’être le seul concerné (vous me direz il est à la tête de l’Etat alors bon..)

    Bref en tout cas longue vie à ton blog (et hop dans mes favoris) j’aime ce côté lucide et curieux dans tes posts, heureusement que certains analysent un peu ce qui les entourent ;)

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