Phase 3 : un naufrage sanitaire

Le 20 mars, Emmanuel Macron agacé par les critiques, a ironisé en « félicitant toutes celles et ceux qui avaient prévu tous les éléments de la crise une fois qu’elle a eu lieu ».

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Finalement, Emmanuel Macron est comme Nicolas Sarkozy : c’est un coq qui ne supporte pas d’être mis en cause, contesté, surtout quand il se prend les pieds dans le tapis parce qu’il regardait ailleurs.


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On se rappelle — et on oubliera pas quand l’alternance sera là — le fameux « qu’ils viennent me chercher » à propos de l’affaire Benalla, une attitude aussi grotesque et prétentieuse que le « descends si t’es un homme » de Nicolas Sarkozy en son temps… Ces saillies et sorties sont dignes d’adolescents pris sur le fait et cherchant à détourner l’attention sur leurs erreurs, mais sont indignes d’un Président, et on se pince à chaque fois qu’on les entends…

Le job, mais sans les risques…

Emmanuel Macron a voulu, et a fait de son accession à la magistrature suprême, l’auto-célébration de sa réussite et de sa supériorité. Il s’avère qu’un nombre sans cesse croissant de Français s’interroge depuis sa prise de fonction, où se trouvent ses fameuses compétences…

À l’heure où la fonction présidentielle est donc une nouvelle fois entachée par des comportements de coq de basse-cours, des centaines de personnes sont dans un état critique dans les hôpitaux.

Ça fait plusieurs jours que ça me démange de faire une note sur ce sujet parce que justement, cette crise, elle a bien été prévue, et depuis longtemps, et les avertissements ont bien été lancés, depuis suffisamment longtemps, pour qu’on reproche à ce gouvernement et à ce président, leur malhonnêteté ou à minima, leur incompétence.

Le gouvernement et Emmanuel Macron pouvaient-ils prévoir cette crise ?

On pourrait trouver, à foison, des articles de presse, des papiers de recherche, des revues spécialisées, des propositions de recherche, qui depuis des années alertent sur la question des risques de pandémies, notamment sur les « coronavirus » et la nécessité de s’y préparer très sérieusement.

Des rapports pour « les décideurs » sans ambiguïté.

Il y a, dans le monde politique, dans le monde de l’entreprise, quelque chose qui s’appelle la « gestion de risque » ou le « management du risque » pour les amateurs d’anglicismes.

Si on est dans le club très sélect des dirigeants de ce monde, comme notre président, il y a le « Rapport Global Risk » produit chaque année par le «  Forum Économique Mondial », et, si on est, seulement, qu’un dirigeant Français, alors, il y a le « Livre Blanc de la Défense et de la Sécurité Nationale », paru en 2008, puis en 2013 (donc bien avant que vous ne soyez président, Monsieur le Président), et qui oui, explique assez précisément les risques et les impacts des pandémies, et comment s’y préparer un tant soit peu.

Et, au regard de quelques éléments qui démontrent l’impréparation de notre Nation :

  • Pénurie de masques,
  • La découverte que des molécules essentielles pour la santé, sont fabriquées à l’autre bout du monde,
  • L’absence de stocks de produits sanitaires aussi basiques que masques, gels hydroalcoolique
  • La mise en place tardive d’un « conseil scientifique »
  • Le flou sur la stratégie face à la crise (confinement, pas confinement)

On est en droit de se faire la remarque que la « Start’up Nation » a peut-être bêtement fait naufrage avant même d’appareiller vers le monde merveilleux de la mondialisation.

Le Président Français prépare la nation au pire :

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Oui, ce monde merveilleux, fait de délocalisation, de chaines de production en flux tendu « juste à temps » ultra fragiles, de prix fixés par la loi du marché donc de l’offre et de la demande, et surtout, de réalités bien moins sexy que les cours de bourse de la dernière start’up : les excrétas chargés de virus, de malades que seuls des vrais professionnels, pas des communicants, peuvent soigner…

Tous les gens un peu sérieux ont lu le « Livre Blanc de la Sécurité Nationale » de 2008, qu’en est-il d’Emmanuel Macron ?

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Le Livre Blanc de la Défense et de la Sécurité Nationale de 2008

On y lit : « L’interdépendance accrue des marchés et des économies mondiales tempère les risques de confrontation aiguë entre États. On observe, lors d’accidents majeurs d’ordre climatique ou sanitaire, comme à l’occasion du tsunami du 26 décembre 2004, de l’épidémie du SRAS en 2002-2003, ou cette année en Birmanie et en Chine, une capacité croissante de mobilisation et de coopération internationales. La conscience d’une responsabilité commune face à des risques planétaires progresse, même si l’adoption de solutions globales demeure difficile à obtenir. » ça commence plutôt bien mais…

Dans le chapitre intitulé « LES NOUVEAUX RISQUES NATURELS ET SANITAIRES » il est rappelé que :

« Les désorganisations sociales majeures que peuvent provoquer les nouveaux types d’épidémies ou les accidents climatiques violents font partie des risques d’ampleur nouvelle qui pèsent sur la collectivité nationale. »

Dans la troisième partie du Livre Blanc de la Sécurité Nationale de 2008, intitulée « UNE NOUVELLE STRATÉGIE POUR L’ACTION », il y a même un chapitre dédié aux Pandémies (P. 164) : « Pandémie massive à forte létalité »


Dans cette partie, les auteurs préviennent donc, dès 2008, que « sur les quinze années à venir, l’apparition d’une pandémie est plausible » et donnent une série d’indications tant sur la prévention, que la préparation et les actions à mener en cas de pandémie:

« le premier volet de la stratégie porte sur la connaissance et l’anticipation et simultanément sur la prévention. Il comporte l’orientation du système de veille et d’alerte sanitaires, un effort continu de recherche, de développement et de production de produits de traitement, la planification de la vie nationale en situation de pandémie, la sensibilisation précoce de la population, la formation des intervenants et leur entraînement par des exercices, la constitution de stocks nationaux correspondant aux principaux risques sanitaires, enfin une contribution à l’action des agences internationales compétentes. (…) Cette organisation mobilisera tout le personnel soignant compétent ainsi que les infrastructures hospitalières. »

  • Concernant l’effort continu de recherche et développement, on appréciera donc particulièrement les propos du chercheur qui travaillait sur les Coronavirus, Bruno Canard, qui travaille avec son équipe depuis 2004 : « En délaissant la recherche fondamentale, on a perdu beaucoup de temps ».
  • Concernant la constitution de stocks nationaux, là encore, on appréciera le caractère inédit des pénuries organisées par les gouvernements sous François Hollande, Emmanuel Macron : « En 2013, il a été décidé que le milliard de stock d’Etat n’était plus indispensable, tant les productions mondiales de masques étaient désormais intenses, notamment en Asie”, regrette le ministre Olivier Véran à l’Assemblée. »
  • Sur la question de la contribution à l’action des agences internationales, on s’intéressera en particulier à la question du financement de l’OMS, de plus en plus tributaire et donc sous le guidage bienveillant des lobbyistes et de fondations comme celle de Bill et Melinda Gates : « Comment rester indépendant quand on est financé en majorité par des dons privés ? »

Que sont devenus les constats de 2008 et quelles mesures ont été prises ?

 

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Tous les gens un peu sérieux ont lu le « Livre Blanc de la Sécurité Nationale » de 2013, qu’en est-il d’Emmanuel Macron ?

En 2013, le nouveau « Livre Blanc, Défense et Sécurité Nationale » revient sur la question de la pandémie, mais avec une tournure particulière, il est en effet expliqué que c’est la « faiblesse d’un état qui est un risque » : « Que des États se révèlent incapables d’exercer leurs responsabilités régaliennes (…). Une épidémie peut devenir pandémie si elle n’est pas enrayée dès l’origine. »

Dans son introduction du Livre Blanc de 2013, François Hollande y écrit : « Dans le même temps, les menaces identifiées en 2008 – terrorisme, cybermenace, prolifération nucléaire, pandémies… – se sont amplifiées. La nécessité d’une coordination internationale pour y répondre efficacement s’impose chaque jour davantage. »

Les analystes y écrivent ensuite que si le Livre blanc de 2008 identifiait déjà les problèmes, la suite des événements avait validé cette analyse du risque:

« Les événements intervenus depuis lors sont venus confirmer la réalité de ces risques. Plusieurs évènements ont illustré la vulnérabilité de nos sociétés aux risques naturels : en 2009, l’épidémie de grippe A/H1N1 (…) ».

Et les auteurs de préciser que « la circulation des personnes et des marchandises, la concentration de populations dans des mégalopoles et la défaillance des systèmes de santé dans certaines zones favorisent la survenue de crises majeures. Le risque existe notamment d’une nouvelle pandémie hautement pathogène et à forte létalité résultant, par exemple, de l’émergence d’un nouveau virus franchissant la barrière des espèces ou d’un virus échappé d’un laboratoire de confinement. »

Et bien sûr là encore il est bien précisé les impacts potentiels de ce type de crise : « Dépendantes d’infrastructures vitales complexes, fonctionnant à flux tendus, en contact quotidien avec le monde entier, nos sociétés peuvent être rapidement et profondément perturbées par des événements qui ne frappent initialement qu’une fraction de la population. Une désorganisation au départ limitée peut rapidement se propager et être amplifiée au point de constituer une menace affectant la sécurité nationale. »

À ce stade, on pourrait se dire que le Livre Blanc est un élément d’analyse stratégique qui n’intéresse pas les hommes et les femmes politiques qui, dans leur grande majorité, n’ont aujourd’hui plus aucune vision à long terme des enjeux pour la Nation.

Trop préoccupés par leur propre devenir politique, leurs places dans les arcanes du pouvoir et leurs aller-retour dans des grandes entreprises, ils sont trop impliqués avec les réseaux économiques pour avoir une vision à long terme.

Mais même dans le monde « économique » il y a aussi des études « sérieuses » et de référence, sur le sujet.

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Tous les gens un peu sérieux ont lu le « Rapport Global Risk » du Forum Economique Mondial, qu’en est-il d’Emmanuel Macron ?

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Je ne m’attarderai pas sur l’ironie de cette série de rapports puisque les questions d’effondrement, de réchauffement climatique, des mesures à prendre pour améliorer la résilience de nos sociétés, sur les questions environnementales, tout est bien documenté avec des références scientifiques dont visiblement, nos gouvernants n’ont que faire.

Je ne m’attarderai pas non plus sur le cynisme de ces rapports en terme d’analyse des problèmes mondiaux et des solutions qu’ils proposent puisque, années après années, la solution aux problèmes relevés, est souvent davantage de libéralisme.

Mais on sera content d’apprendre que nos dirigeants actuels ont bien participé aux rencontres du Forum Économique Mondial et certains membres de nos gouvernements ont bien lu ces rapports puisqu’ils appliquent certaines recommandations — et pas d’autres vous l’aurez compris — comme par exemple celles que l’on trouve dans la version 2017 :

« Nouveaux systèmes de protection sociale: une approche globale :
(…) Les systèmes devront offrir une flexibilité suffisante pour aider les individus à suivre des parcours de vie et des carrières sensiblement différents tout en maintenant une certaine équité entre les groupes (on dirait du Macron, non ?) et en renforçant la résilience individuelle :
1. Dissocier la santé et la protection du revenu des employeurs ou des emplois individuels
2. Refonte des modèles de retraite en fonction des nouvelles réalités du travail et du vieillissement (on dirait du Macron, non ?)
3. Mettre en œuvre des politiques pour accroître la «flexicurité» (on dirait du Sarkozy, non ?)
4. Mise en œuvre de modèles alternatifs de distribution des revenus »

On voit donc par là que ces rapports sont produits par de dangereux gauchistes très éloignés des idées défendues par nos récents gouvernants.

La version 2013 du rapport, toutefois, est très intéressante pour qui s’intéresse aux risques posés par la mondialisation :

Une partie de ce rapport insiste notamment sur la prédiction de ce qui n’est pas prévisible — une tâche pour les personnes qui sont censées diriger un pays par exemple. Cette section sur les facteurs X donc à considérer les préoccupations émergentes qui ne sont pas encore « sur le radar des décideurs ».

«  Si les 50 risques mondiaux représentent des connus, donc connus, ces facteurs X pourraient alors être considérés comme des inconnues connues. Ils ont été élaborés conjointement avec les rédacteurs de Nature (excusez du peu) et bénéficient de la connaissance approfondie de leurs contributeurs en matière de recherche scientifique de pointe qui n’a pas encore atteint le discours dominant. » et donc qui doivent de manière urgent rentrer sur les radars des dirigeants.

Ce rapport met en demeure les « futurs décideurs » de renforcer la résilience des États face aux risques mondiaux, avec comme objectif d’élaborer une stratégie continue de mesure et d’action pour « renforcer la résilience nationale et identifier les domaines où de nouveaux investissements sont nécessaires ».

Deux parties sont donc particulièrement intéressantes parce qu’étant très directes :

D’une part, un chapitre intitulé « Les dangers de l’ubris sur la santé humaine», qui traite plutôt des risques bactériens et de la menace existentielle posée par les bactéries résistantes aux antibiotiques, plutôt que des risques viraux, mais qui reste tout à fait pertinent sur les questions sanitaires;

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Et d’autre part, toute une section intitulée « Rapport spécial : Renforcer la résilience nationale face aux risques mondiaux ».

Cette partie du rapport propose des outils d’analyse, en particulier autour de la question de la « résilience » et de la nécessité de mettre en place des politiques systémiques pour se préparer à de futurs chocs.
Le rapport présente cinq composantes de la résilience : robustesse, redondance, ingéniosité, réponse et reprise – qui peuvent être appliquées à cinq sous-systèmes nationaux : économique, environnemental, gouvernance, infrastructure et social.

Un autre insert spécial concerne les « Risques dans la Chaine d’approvisionnement » puisque les chaines d’approvisionnement sont mondiales, interconnectées et à flux tendus.

Encore une fois, les évaluations qui sont faites concernant les pays comme la France montrent une sur-représentation de risques tels que les « Conséquences négatives imprévues de nouvelles réglementations », mais ce rapport averti toutefois sur ces « flambées depuis 2000 décrites comme une successions de quasi-catastrophes »

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À nouveau, dans la version 2019 du Rapport Global Risk, on lisait :

« Going Viral, The transformation of Biological Risks »


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Celui-ci commence par pointer du doigt « l’impréparation de nos sociétés aux risques biologiques, même les plus modestes ».

Le rapport revient sur les épidémies successives « Ebola, MERS, SARS, Zika, fièvre jaune etc. » :

Comme le rappelle très bien le professeur Philippe Sansonetti dans sa conférence au Collège de France « Covid-19, chronique d’une émergence annoncée », MERS et SARS sont des coronavirus…

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Going Viral :

« La fréquence des flambées épidémiques augmente régulièrement. Entre 1980 et 2013, 12 012 foyers ont été enregistrés, comprenant 44 millions de cas individuels et affectant tous les pays du monde. Chaque mois, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) détecte 7 000 nouveaux signaux d’épidémies potentielles, générant 300 suivis, 30 enquêtes, et 10 évaluations complètes des risques. En juin 2018, il y a eu – pour la toute première fois – des flambées de six des huit catégories de maladies figurant sur la liste des «maladies prioritaires» de l’OMS. S’ils s’étaient répandus à grande échelle, ils auraient pu tuer des milliers de personnes et créer des perturbations mondiales majeures. »

Et de continuer en pointant du doigt la mondialisation et l’anthropocène :

« Premièrement, l’augmentation des niveaux de voyage, de commerce et de connectivité signifie qu’une épidémie peut se déplacer d’un village éloigné vers des villes du monde entier en moins de 36 heures.
Deuxièmement, la vie à haute densité, souvent dans des conditions non hygiéniques, il est plus facile pour les maladies infectieuses de se propager dans les villes – et 55% de la population mondiale vit aujourd’hui dans les zones urbaines, une proportion qui devrait atteindre 68% d’ici 2050.
Troisièmement, l’augmentation de la déforestation est problématique: la perte de couvert forestier a augmenté régulièrement au cours des deux dernières décennies et est liée à 31% des flambées telles que le virus Ebola, Zika et Nipah.
Quatrièmement, l’OMS a souligné le potentiel de le changement climatique pour modifier et accélérer les modes de transmission des maladies infectieuses telles que le Zika, le paludisme et la dengue.

Enfin, le déplacement humain est un facteur critique à cet égard. Que ce soit en raison de la pauvreté, des conflits, des persécutions ou des urgences, le déplacement de grands groupes vers de nouveaux endroits – souvent dans de mauvaises conditions – augmente la vulnérabilité des populations déplacées aux menaces biologiques. Parmi les réfugiés, la rougeole, le paludisme, les maladies diarrhéiques et les infections respiratoires aiguës représentent ensemble entre 60 et 80% des décès pour lesquels une cause
est signalé. »

Bref, là aussi donc, on voit que tout ce qui se produit aujourd’hui devrait donc être loin d’être une surprise pour l’ensemble des dirigeants de la planète, qu’ils soient politiques ou économiques !


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En conclusion de cette partie, les auteurs du rapport insistent sur le fait que les dégâts « limités » des crises successives qui n’ont alors pas dégénérés en pandémies ont fini par endormir la vigilance des institutions et des États.
L’OMS allant jusqu’à parler d’une forme de « complaisance » et à donc introduit en 2015 un liste de « maladies prioritaires » dont en 2018, une « maladie X » pour attirer l’attention des chercheurs sur les risques liées à des maladies perçue comme non susceptibles d’être transmis à l’homme mais qui pourraient le devenir. L’OMS et le rapport pointent enfin du doigt que le budget 2017-2021 de la « Coalition for Epidemic Preparedness Innovations (CEPI) » mise en place en 2017 pour coordonner et financer le développement de vaccin n’est que de 1 milliard de dollar ! »

Les risques de pandémies et leurs conséquences économiques et sociales sont donc des sujets relativement anciens mais très bien documentés et sur lesquels la communauté scientifique alerte de manière répétée et avec constance. Comme pour le réchauffement climatique, les dirigeants ne veulent pas mettre cela sur leurs radars car cela va à l’encontre de leurs projets de libéralisation.

En effet, les solutions pour se préparer à ces risques et renforcer la résilience de nos sociétés passent par reprendre le contrôle sur les chaines de valeurs mondialisée, relocaliser nos économies, investir dans les infrastructures sanitaires et leurs personnels… Au risque tôt ou tard, à défaut, d’être confronté de manière impuissante à une catastrophe pourtant annoncée.

Gouverner c’est prévoir.

Il y a quelques années j’ai renforcé dans mes cours sur le « management du Développement Durable et de la RSE », la question de la gestion du risque. Je m’étais particulièrement ému de l’impréparation des Japonais en 2011 face à ce que l’on a appelé « l’accident de Fukushima » qui n’est pas réellement un accident, mais le résultat de l’enchainement d’incuries et la négation de tout ce qui fonde une gestion raisonnée du risque.

En effet, à l’époque là aussi, nous avons tous vu sur nos écrans, incrédules, se dérouler un drame pourtant bien prévisible :

Nous avons vu une centrale nucléaire construite dans un pays connu pour ses risques sismiques, être construite elle-même sur une faille sismique, et en bord de mer, dont « on a pas prévu » qu’un tsunami de plus de 8 mètres puissent se produire, alors qu’historiquement, les preuves de tsunamis de plusieurs dizaines de mètres se retrouvent partout dans les campagnes japonaises…

Dans un pays que l’on pensait être une puissance technologique rigoureuse et ultra organisée, nous avons vus des réacteurs nucléaires fondre, des enceintes de confinements et des hangars exploser, et des pompiers non préparés, véritablement improviser, bricoler des lances à incendies pour essayer d’arroser de loin des piscines remplies de combustible. L’ensemble des acteurs, gouvernement, services de sécurité et entreprises concernées, impuissants à gérer la crise… Des millions de tonnes d’eau contaminées finiront donc dans l’océan…

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La gestion de risque ne consiste pas à évaluer les possibilités d’occurrence des événements, mais bien d’évaluer la gravité des occurrences qui viendront tôt ou tard, et les réponses que l’on doit y apporter lorsque ces événements se produisent.

Comme le faisait remarquer Emile de Girardin : Gouverner c’est prévoir.

En Janvier 2019, encore lui, le Forum Economique Mondial publiait un…
Livre Blanc sur les risques pandémiques :

« Outbreak Readiness and Business Impact, Protecting Lives and Livelihoods across the Global Economy » :

On y lit :
« Le monde est mal préparé pour détecter et enrayer les épidémies
Bien que des progrès significatifs aient été accomplis depuis la réponse à Ebola en Afrique de l’Ouest entre 2014 et 2016, les experts s’accordent généralement à dire que le monde reste mal préparé pour détecter et répondre aux flambées et n’est pas prêt à répondre à une menace pandémique importante. »

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Que pouvait donc faire Agnes Buzyn ?
Avec Emmanuel Macron au pouvoir, rien !


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On a sans doute raison de fustiger — voire de poursuivre en justice — ce gouvernement et notamment notre ancienne ministre de la Santé, partie en pleine crise en campagne pour la Mairie de Paris. Il s’agit bien évidemment là aussi d’une preuve de plus de l’incurie de la macronie, comme celle de ses prédécesseurs, plus préoccupés par renvoyer l’ascenseur à ceux qui financent leur campagne et à travailler pour s’assurer une place durable dans l’arène politique, que de faire le nécessaire pour préserver l’intérêt général, mais franchement, que pouvait-elle faire ? Rien.

Quand la crise à commencé en Chine, il était déjà trop tard puisque tout ce dont nous avions besoin n’était non seulement pas prêt, mais n’avait même pas été envisagé.

Pour comprendre la façon dont Emmanuel Macron et son gouvernement se préparent sur les questions des crises sanitaires, pourtant annoncées, on relira la tribune de décembre 2019 dans le JDD, où 660 médecins hospitaliers se disent « prêt à la démission », et qui finira par la démission de plus de 1000 chefs de service en janvier 2020 « pour sauver l’hôpital Public », actions elles-mêmes précédée d’une longue grève des urgences depuis l’été 2019

E6DSIK6OP5W5YYLOWLEPCSPUHE-2020-03-23-13-16.jpgSoignants en grève et en souffrance, les urgentistes (ici à l’hôpital Necker) sont à bout. LP/Louise Méresse

« L’hôpital public se meurt, faute de moyens à même d’assurer la qualité des soins et de garantir la sécurité des patients. Les médecins hospitaliers ont eu beau sonner l’alarme, la rigueur est devenue austérité, puis l’austérité, pénurie. »

Certes, ce n’est pas ce gouvernement qui a commencé les purges puisque cela fait longtemps que la santé des Français coute trop cher pour nos gouvernements respectifs :
« En pleine épidémie de grippe, cela ferait désordre. En visite aux urgences de l’hôpital La Pitié Salpêtrière à Paris vendredi 27 février, Manuel Valls et Marisol Touraine se sont auto-congratulés d’avoir réagi “avec détermination” et “au bon moment” face au pic de la maladie. En revanche, le Premier ministre et la ministre de la Santé n’ont pas dit mot sur les économies prévues dans les budgets des hôpitaux d’ici à 2017. »

« (…) le nombre d’administratifs travaillant dans le domaine des soins a augmenté de 3 200 % et le nombre de médecins de 150 %. »
Extrait de l’Interview de Stéphane Velut sur la régression managériale et comptable de la santé sur Usbek & Rica.

Rien, absolument rien n’a été fait au cours des 20 dernières années en France pour faire face à une pandémie pourtant annoncée, d’où la posture aujourd’hui du Président Emmanuel Macron de dire « quoi qu’il en coûte ».
Tout d’un coup, réalisant la gravité de la situation et la hauteur de l’impréparation, il ne lui reste plus qu’à sortir le chéquier, en espérant nous faire oublier la vrai raison de la catastrophe.

On peut même s’étonner que dans La « REVUE STRATÉGIQUE DE DÉFENSE ET DE SÉCURITÉ NATIONALE » de 2017, préfacée par le Président de République, le risque sanitaire ne soit plus évoqué que dans deux maigres paragraphes…

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Dans les deux précédents Livres Blancs de la Défense et de la Sécurité Nationale, les Présidents de l’époque n’avaient pas jugés nécessaire de mettre leur trombine en guise d’introduction…
Ceci explique peut-être cela… Ubris ?

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Il est encore trop tôt pour faire le bilan, mais quel que soit le nombre de morts et le nombre de milliards qu’il va falloir « sortir » pour faire face, on a déjà les éléments pour constater la vacance du pouvoir et la nécessité urgente de mettre en place un gouvernement « pour le peuple, et par le peuple ».

Il n’est pas étonnant que de plus en plus de Français pensent « tribunal populaire ». Comment leur en vouloir ?
Aux armes, ou aux urnes, citoyens ?

——
Je vous invite à voir, ou revoir « Hôpital public, la loi du marché », 2017, d’Envoyé Spécial de France 2, où la question du management et des méthodes de gestion sont clairement décrites.

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