Voler son appareil, ses négatifs ou sa carte mémoire à un photographe, c’est sans doute pour lui aussi douloureux, aussi intrusif dans son intimité que de voler un manuscrit à un écrivain… Enfin, je me l’imagine. Enfin, je ne sais pas. Pas l’intimité de choses que l’on voudrait ne pas montrer, mais plutôt l’intrusion, la destruction ou la punition privation gratuite de quelque chose de soi que l’on cultive et cherche à préserver.
Je ne suis ni photographe ni écrivain… Mais je crois que je comprends.
Depuis mes seize ans, j’ai toujours un appareil photo pas loin de moi, et depuis que j’ai photographié des plagistes sur la plage de Sète, ou modestement contribué aux compétences photographiques des étudiants de mon école d’architecture, un appareil ne me quitte plus.
Mais vraiment plus du tout.
J’ai aujourd’hui, en bon « écolo de merde* », délaissé l’argentique pour le numérique (très modeste), mais cette envie irrésistible de fixer, capter, voler, observer, examiner, savourer, surprendre, témoigner, restituer, interpréter des instants et des lieux dont on a l’impression qu’ils ne seront plus jamais les mêmes et dont on veut s’approprier, ou créer, une trace ; cette envie je l’ai là dans mes yeux et dans ma tête, au bout de mes doigts, tout le temps…
Et quand j’écris tout le temps, c’est tout le temps, jusqu’à rendre les autres dingues.
Aussi, je comprends le désarroi, la tristesse de Phil.
Voilà, noter une bafouille pour un ami qui comme moi pleure comme enfant, qui m’a témoigné son attention, me paraît être une bonne raison de rompre un silence douloureux.
Tiens, Phil,en grattant dans mes ruines il y a 15 jours, j’ai trouvé la réponse à ta question, tu penses si j’ai pensé à faire une photo rien que pour toi :
Merci à, et pour, Philippe.
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* Petit clin d’œil à la FNSEA.