Ils ne mourraient pas tous…

wpid-film_frap-2006-05-3-14-09.jpg

Je tenais absolument à voir ce documentaire. J’ai donc profité du fait de devoir me rendre à Valence pour aller le voir. C’était l’avant-première, au cinéma « Le Navire ».

Après le film, durant le débat, j’ai voulu prendre la parole et m’exprimer sur de nombreux points.

Je voulais, en prenant comme point de départ ma réaction à un propos d’un des présentateurs, rebondir sur une vision manichéenne du travail dans l’entreprise, selon laquelle les « patrons » ne sont que les kapos serviles d’un système politico-financier, tout juste bon à asservir et exploiter sans vergogne des employés soumis…

Certes, ce n’est pas du tout le propos de ce film, qui est bien de témoigner de ce que des hommes et des femmes subissent quotidiennement dans leur travail, en abordant la détérioration des conditions de travail notamment ces dernières années. Et c’est… frappant.

Mais quand on parle de la souffrance d’employés, on en vient forcément à parler des employeurs…

On ne peut pas tous ensemble lutter contre ce qui fait que des humains subissent de telles pressions si on ne prend pas du recul pour regarder la société dans son ensemble. On réagit avec les tripes, mais concrètement, il faut agir au quotidien… D’autant que la pression augmente constamment, sur tous les travailleurs, quels que soient leurs statuts.

Il y a trois aspects dont on parle très peu dans ce genre de débat et qui méritent, il me semble, d’être développés :

– Le premier est que le monde de la petite entreprise (TPE, artisans, commerçants, professions libérales) n’est pas le « monde de l’entreprise » au sens où l’entend le MEDEF. Contrairement à l’idée véhiculée par les médias dominants, le MEDEF ne représente pas le patronat français, mais une certaine partie de celui-ci. Le patron du MEDEF n’est certainement pas le « patron des patrons ».

Et la majorité des « petits patrons » de France ne se sent pas représentée par les discours « ultra-néo-libéraux » d’une organisation qui dicte au gouvernement les orientations qu’il doit prendre et qui se font toujours en faveur des grosses entreprises, par exemple dans les dispositifs régissant la sous-traitance (d’ailleurs, pour être sûr de son fait, le MEDEF porte son action au niveau Européen, et là, c’est silence total des médias). Si ces petits patrons ne se sentent pas représentés par le MEDEF, c’est que justement, nombre d’entre eux savent ce que c’est d’être précaire…

De plus, chez les « petits patrons », il y a aussi des gens « de gauche », sans aucun doute une petite minorité, mais qui ont une vision partagée de la « richesse » éventuellement produite par le travail, non par condescendance ou bienveillance paternelle, mais par profonde conviction (d’ailleurs, je voudrais bien qu’on se regroupe, mais bon, c’est un autre sujet).

Les petits patrons ne sont pas tous des instruments reproducteurs d’une classe dominante bourgeoise, ou qui souhaitent accéder à ce statut. Il y a parmi eux des gens qui croient profondément aux valeurs républicaines, et qui n’ont pas peur de dire que l’impôt est utile, de défendre la péréquation, la justice sociale, la proximité, l’écologie (énergies, cycles cours, développement durable, etc.), voire la décroissance économique (par rapport au discours économique dominant), et qui voient dans leur entreprise un instrument pour essayer de faire les choses autrement, en toute indépendance.

Ceux-là sont d’autant plus « fragiles » et sensibles, car ils doivent redoubler d’efforts à la fois pour ne pas mettre « leurs » éventuels employés dans des situations difficiles (voir le point suivant), tout en subissant la méfiance des syndicats et l’hostilité de l’administration publique qui les traite de fait comme toutes les entreprises, c’est-à-dire comme des suspects : de malversation, de détournement, de fraude, d’exploitation, etc.

La médiocrité et la mauvaise foi sont partout, aucune organisation n’échappe à ces défauts, je regrette pour ma part que ceux qui sont en charge de réguler, de manière désintéressée, les activités de la société française conservent en leurs rangs des gens particulièrement néfastes à tout le monde, mais c’est un autre propos.

Depuis les années soixante-dix, il y a une offensive idéologique qui tend à opposer et à faire se haïr deux parties de la société, pourtant dans le même bateau (national, mais aussi européen et mondial) : les indépendants, artisans et petits patrons d’un côté, et la fonction publique de l’autre.

Le regard méfiant des syndicalistes quand on déclare être un « patron » dans une réunion d’un collectif (pour la défense des services publics par exemple) ou le ton résolument hostile de la part de certains fonctionnaires de l’administration fiscale, d’une part ; et le mépris et la défiance vis-à-vis de l’administration publique ou de l’éducation nationale, de la part des petits patrons, des artisans et des professions libérales, d’autre part, sont de modestes exemples qui montrent à quel point cette offensive néolibérale de manipulation des esprits est en passe de réussir.

On ne compte plus les brûlots poujadistes et les propos haineux… Parfois même de la part de nos propres gouvernants, ce qui est bien une des preuves les plus accablantes de la façon honteuse dont ces derniers font de la politique.

– Le second point est dans la continuité du premier : les petits patrons et les indépendants récoltent notamment les miettes de la sous-traitance appelée pompeusement « outsourcing » dans les milieux dématérialisés (mais bon, cela existe dans toutes les branches de l’industrie, des T.P., etc.), et la plupart d’entre eux n’ont que le droit de proposer leurs services, sachant que quand ils reculent devant un travail (notamment parce que ça les obligerait à mettre leurs salariés dans des conditions inacceptables), il y a peu de chance qu’ils en trouvent d’autre.

Le système de précarisation des travailleurs que met en place la droite dite « libérale », de l’OMC à la Commission Européenne, dans le domaine du droit du travail, s’il n’est qu’un des derniers points avant la totale annihilation des systèmes légaux de protection des peuples, est à l’image de la position qu’occupe et que vit actuellement au quotidien un « petit patron » d’ici, qu’il soit parfaitement honnête et respectueux de ses salariés ou qu’il soit un margoulin fraudeur.

Ce n’est pas une légende qu’un « patron » ne peut pas dormir la nuit, soit surmené, a des palpitations, des ulcères, des attaques, etc. et encore une fois, a fortiori s’il est parfaitement honnête et respectueux de ses salariés, de la législation, etc. Le système, notamment fiscal, tel qu’il fonctionne partant du postulat que le patron est par définition un fraudeur, même si c’est hélas vrai pour pas mal, met une pression hallucinante sur celui qui essaye de faire les choses correctement. Et même celui-là, de toute façon, commet des erreurs qui pourront tôt ou tard le rattraper. « Celui qui ne se trompe jamais… »

Mais surtout, surtout, tel qu’il est le système ne permet aucune « défaillance » dans le flux de travail :

Dès lors que vous vous déclarez, vos charges courent. Forfait, réel, etc. Elles courent. Point

Hauts ou bas, retards de paiement ou pas (j’en suis à 110 jours à l’heure où j’écris ces lignes), travail ou pas (!) les charges courent. Si vous avez des salariés, que vous voulez leur payer un salaire honnête et à toutes les fins de mois, vous avez intérêt à ne pas avoir de retards de paiement, à avoir des réserves, et surtout, à toujours avoir du travail qui entre dans le tuyau. Dis comme ça, ça coule tout seul, mais dans la pratique…

Sachant que le sous-traitant peut difficilement avoir une vision au-delà de quelques mois (ce qui est déjà merveilleux), il ne faut pas se faire d’illusion, sa vie est en très haute tension, constamment, et pour lui, c’est nuit et jour, 365 jours par an, et ce quel que soit son état de santé, sa situation familiale, etc.

Le sous-traitant ne peut pas « la ramener », parce que s’il se tourne vers celui qui lui commande des travaux en disant que ce n’est pas possible, il y a de fortes chances que ce dernier prenne un autre sous-traitant. Le sous-traitant peut difficilement compter sur la patience de son banquier.

Même les entreprises publiques sont depuis de nombreuses années des championnes dans ce jeu de pression (il y a d’ailleurs là aussi une des sources de rancoeur vis-à-vis des fonctionnaires, qui constitue un abcès qu’il faudrait un jour percer).

Bon, j’ai bien là conscience que ce n’est pas la majorité, mais quelle que soit la proportion, elle n’est pas à négliger.

Le petit patron en question donc travaille, et le seul moyen pour lui de tirer son épingle du jeu de manière réellement honnête, c’est d’accepter de grosses responsabilités, c’est de travailler comme un fou (en faisant le tampon des surcharges de travail), de faire un travail de très haute qualité (pour essayer d’avoir quelques leviers de négociation avec le donneur d’ordre), et de se contenter de peu.

Et c’est là l’idée centrale de mon propos : c’est un choix que RIEN dans la société actuelle n’incite à faire !

– C’est là que vient le troisième point donc : Il faut qu’un commanditaire ou un donneur d’ordre veuille un travail de qualité, il faut accepter de gagner moins, de consommer moins. La « société de consommation » est un des moyens les plus puissants pour rendre les populations esclaves d’elles-mêmes au profit des classes dominantes qui dominent et dirigent les marchés de la production et de la distribution.

C’est notamment par le choix des produits que nous consommons que nous donnons du poids à telle ou telle forme de production, travail, de commerce et de financement.

Ce qui signifie quoi ?

Qu’il n’y a pas de fatalité…

Cela signifie par exemple qu’il faut acheter un produit de qualité, plutôt que dix médiocres, auprès de fournisseurs honnêtes. Cela signifie privilégier les produits de proximité, les filières courtes, consommer moins, mais mieux, ne pas se payer des « vacances* moins chères » à l’autre bout du monde en s’asseyant sur l’équité, mais du temps convivial chez des gens proches… Bref, ça demande un effort constant, quotidien, qui va de l’endroit où l’on se fournit à la lecture des étiquettes, de la composition, etc.

Nous sommes tous donneurs d’ordres au système ! Si demain la consommation d’un produit ou d’une marque baisse de manière significative pour des raisons éthiques, soit le produit sera retiré, soit le fabricant et le distributeur plieront sous la pression.

La consommation n’est pas le seul moyen de renverser la tendance : l’enfance (des crèches publiques) l’éducation (le système public) et le temps consacré à ses propres enfants, le dialogue, la rencontre avec l’autre, le refus des inhumanités (pour nous comme pour les autres, ici et ailleurs) doivent prendre une forme active dans la société, avant de prendre forme dans l’urne !

Lors des élections législatives de 2002, il suffisait de se rendre en masse aux urnes pour choisir des représentants… Où était le « peuple de gauche » quand il fallait faire ce choix crucial ?

Enfin, les médias dominants se sont prostitués et abreuvent quotidiennement, minute par minute, les cerveaux des enfants encore dans le ventre de la mère, pour leur dire : consommez plus, moins cher, ne réfléchissez pas, l’école ne sert à rien, les fonctionnaires sont des sangsues, vous n’avez pas le choix, nous pouvons gagner la bataille de la mondialisation, achetez des actions, gagnez au loto, méprisez l’effort intellectuel, regardez le football à la télévision…

Bref, je voulais dire tout ça et tellement plus encore…

J’étais très impressionné, d’autant que je comprenais bien qu’il y avait là des personnes occupant des postes clés au niveau de l’inspection du travail, des prud’hommes, mais aussi des « petites gens », des syndicalistes, des chômeurs…

C’est normalement dans ce genre de situations que doivent avoir lieu les vrais débats, notamment ceux qui doivent aller au-delà des idées reçues, pour pouvoir échanger et diffuser des idées constructives, nouer des liens entre-nous, que la pensée dominante essaye de diviser entre public/privé, patron/employé, pseudo réformateur/immobiliste, etc. C’est là que l’on peut se rencontrer, bâtir des projets et se regrouper pour lutter contre cette « marchandisation » de tout et de tous au profit de quelques privilégiés…

Je regrette de ne pas m’être mieux exprimé. J’ai bafouillé des trucs avec MEDEF, syndicats, inspecteur de travail, Gérard Filoche etc. j’ai perdu mon souffle comme happé par un vide, perdu le fil de ma pensée… Je ne suis pas toujours aussi nul en public, mais je voulais vraiment interpeller le public sur ces points…

Ce n’est pas grave. Je passe sans doute pour un énervé, voire un frustré. Je suis en tout cas convaincu qu’il y a une véritable urgence, car il est certain qu’avec la façon dont notre pays évolue, les personnes qui sont montrées dans ce film vont rapidement mourir, au sens propre du terme.

Enfin, je voulais insister sur le fait qu’il est sans doute urgent, non pas seulement de s’intéresser aux problèmes, mais d’agir, car la « représentation nationale » que nous avons aujourd’hui est le produit de notre coupable négligence et de la confiscation du débat politique par des partis comme le P.S. ou son pendant l’U.M.P. orchestré par des médias serviles. On a aussi le système que l’on mérite. Je voudrais bien, pour ma part, que le réalisme de gauche ne bascule pas soit du côté « blairisme » soit du côté « guerre patronat syndicat »… Il y beaucoup de solutions justes et efficaces pour recadrer et développer l’entreprise dans un monde social et réellement égalitaire et « à gauche », et ça passe par des moyens simples que je n’entends nulle part. Pourquoi ?

À la fin, en disant cela, j’ai eu à subir le regard méprisant et la petite pique cynique de celui qui, apparemment, était le gérant de la salle, quand j’ai fait remarquer qu’il était normal que l’on se méfie de partis traditionnels comme le P.S. dominant à gauche quand, à l’exemple de Montpellier, pendant de très longues années, les gens de gauche n’avaient eu droit qu’à Georges Frêche comme candidat incontournable.

Bon, ceci dit, il faut absolument aller le voir :

« Ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient frappés », de Sophie Bruneau et Marc-Antoine Roudil.

* Bon je n’en prends pas, mais ce n’est pas pour autant que je considère que les autres ne doivent pas en avoir le plus possible.

Raté

Israël et les Arabes, une paix insaisissable.

wpid-israrabs_7-2006-04-13-00-09.jpg

Fierté de politiciens préoccupés par leur stature, jeux d’alliances face aux échéances des urnes ou à l’opinion, intox, bref, une fois encore, pressions extrémistes religieuses, compromissions, etc. Le tout sur le dos des populations, comme d’habitude ; en l’occurrence les Israéliens et les Palestiniens qui paradoxalement, ne demandent qu’à faire la paix.

À voir absolument. Toutefois, ce documentaire ne pose pas la question ultime : à qui profite la situation ?

Morceaux choisis sans cohérence par rapport au documentaire :

– Le « président » Jacques Chirac semble plus s’intéresser à son image de chef d’État qu’à la possibilité qu’un accord de cessez-le-feu soit trouvé entre Israéliens et Palestiniens, négocié difficilement sur le petit bout de territoire américain au cœur de la capitale française sous l’égide de Madeleine Albright. Il n’a pas eu son quota de caméras et de flash, c’est contraire au protocole.

Il appelle donc Madeleine Albright pour lui demander de se rendre à l’Élysée avec Ehud Barrack et Yasser Arafat…

wpid-israrabs_2-2006-04-13-00-09.jpg

Madeleine Albright : « And I said, in french, mr president, it’s an important moment, this is not really a good idea for us to come right now, we’re about to come to an agreement on this document. »

Alors que Yasser Arafat s’était engagé à signer l’accord, passé la réunion à l’Élysé, il s’en va précipitamment en se défaussant sur un ministre pour sa signature. Pas d’accord. Les négociations tombent à l’eau…

wpid-israrabs_1-2006-04-13-00-09.jpg

– À propos du mur de séparation :

Après avoir vu sur des cartes, concrètement, en quoi le mur de séparation allait spolier les Palestiniens, en annexant de fait tous les territoires sur lesquels le mur est censé protéger des installations d’Israéliens ; Georges Bush voit bien qu’effectivement les Palestiniens ne pourront jamais accepter cela, et doit reconnaître que le mur est un problème.

wpid-israrabs_3-2006-04-13-00-09.jpg

Abou Mazen : « Le président Bush à dit : ça coupe la Cisjordanie en deux comme un serpent, il a pris la carte, l’a regardée, et l’a mise de côté, d’un geste agacé disant à Dick Cheney : avec ce mur on aura jamais d’état Palestinien ».

wpid-israrabs_5-2006-04-13-00-09.jpg

Georges Bush : “I think the wall is a problem, it is difficult to develop confidence between the palestinians and the israelis with a wall snaking into the west banks.”

Commentaire d’Ariel Sharon avec un petit sourire en coin :

Ariel Sharon : « Là, j’ai cité une phrase du poète américain [Walt] Whitman : les bonnes barrières font les bons voisins ».

wpid-israrabs_4-2006-04-13-00-09.jpg

Walt Whitman avait violemment pris parti contre les Mexicains lorsque les Américains, à l‘initiative du président Polk, ont provoqué le Mexique en traversant le Rio Grande en 1846 au lieu de s’en tenir à la frontière formée par la Nueces River (cette dernière frontière était contestée par les Américains).

Aucun politique américain, qui se revendique texan de surcroît (le Texas venait d’être rattaché aux États-Unis en 1845), n’a oublié que la guerre, puis l’invasion qui a suivi, que cette provocation calculée a entraînée, avaient pour but de récupérer les territoires qui forment aujourd’hui le Nouveau-Mexique, l’Utah, l’Arizona, le Nevada et une partie du Colorado, et surtout, la Californie que beaucoup d’Américains belliqueux en mal de débouchés à l’ouest, rêvaient ardemment de conquérir à ceux qu’ils considéraient sans détour comme de misérables fainéants.

C’est peut-être pour Ariel Sharon l’occasion de donner sa position aux Américains : c’est dans son intérêt et en matière de conquête de territoire, il n’a pas de leçon à recevoir des États-Unis.

Aujourd’hui, les Israéliens continuent de vivre avec la peur, et les Palestiniens voient leurs territoires constamment réduits, et le gouvernement qu’ils ont pourtant démocratiquement choisi, être rejeté de la scène internationale. Les fous de dieu (et les idées reçues) des deux côtés de la frontière vont continuer leurs abjectes besognes.

Qui va encore payer ?

Les enfants Israéliens* :

wpid-israrabs_8-2006-04-13-00-09.jpg

et les enfants Palestiniens* :

wpid-israrabs_9-2006-04-13-00-09.jpg

Ça devrait être un argument suffisant pour faire taire les armes, non ?« Israël et les Arabes – Une paix insaisissable ».

Série de trois documentaires réalisés par Norma Percy, Mark Anderson et Dan Edge

Épisode 1 - Les négociations de la dernière chance. [1999-2000]

Épisode 2 - Arafat assiégé. [2001-2002]

Épisode 3 - Le grand projet de Sharon. [2002-2005]

Une petite saignée !

L’infirmier : « Le malade a encore perdu beaucoup de sang, et continue de s’affaiblir. »

Le médecin : « Il faut absolument lui refaire une saignée, pour le débarrasser de toutes ses mauvaises humeurs »

Quand des économies et des populations exsangues sont littéralement mises à sac par des pouvoirs corrompus, des hommes d’affaires et des groupes industriels et financiers totalement libres d’agir comme bon leur semble, les docteurs blancs disent sans la moindre hésitation :

« Laissez donc, ça va se réguler tout seul, enlevez donc encore ces barrières qui empêchent ces entrepreneurs d’agir, et de grâce, lobotomisez ces gens qui gémissent, on ne s’entend plus compter… »

Oui je sais, c’est caricatural. Mais bon, il faut le lire pour le croire…

Grosse fatigue…

Alors voilà, je me bats comme je peux, en fait beaucoup, en « républicain laïque », pour défendre les services publics face à la profonde manipulation dont mes compatriotes sont les consentantes et bêlantes victimes. Je démontre chaque fois que possible l’importance de l’impôt, la fumisterie des néolibéraux et des conservateurs, en passe de gagner une guerre de propagande entamée dans les années soixante-dix etc.

J’essaye aussi de me battre pour faire comprendre à des syndicats largués que non, tous les « patrons » ne sont pas des « salauds et des exploiteurs* », et que c’est ensemble que nous devons remettre à plat les choses pour ne pas nous laisser bouffer par l’OMC et la Commission européenne… Mais bon.

Enfin bref, pourquoi « grosse fatigue » ?

Et bien il se trouve que, comme je suis un « salaud d’entrepreneur/patron », qui ne doit surtout pas se retrouver en déficit face aux inéluctables charges qui pèsent sur son activité (que je paye avec joie et même fierté pour contribuer à la chose publique) ; je bosse beaucoup, et nuitamment en plus avec à peine 5 heures de sommeil par nuit ces derniers temps (environ un mois). Du coup, et bien c’est vrai, j’ai un peu oublié la paperasse, et mon comptable aussi.

Alors quand ça fait un mois que je me couche toutes les nuits entre 2 et 3 heures du matin (avec levé tôt, mais ai-je besoin de le préciser ?), et que rentrant d’accompagner les enfants à l’école, je bois mon premier café en me mettant immédiatement à mon travail, mon téléphone sonne et je me fais sermonner sur un ton très hautain, comme à un attardé, par une « responsable de la TVA » parce que « ce n’est pas bien il manque les déclarations pour les mois de X et de Y et que ça commence mal (je viens de changer de département) et que je vais vous taxer d’office vous allez voir »…

J’essaye de rassembler mes pensées épuisées, je respire un grand coup, et je me dis que moi ça va, j’ai des convictions, mais elle scie sur la branche sur laquelle elle est assise la petite dame. Et c’est moi qui gueule en bas pour lui dire d’arrêter de scier.

Et je suis sûr que ça, ça lui échappe complètement. Elle ne me facilite vraiment pas la tâche !

* Et vis-à-vis de ce point-là, je crois que l’effet de serre aura cramé la planète avant que Thibault, Laguiller et Besancenot, et les autres « copains », n’aient débloqué leurs neurones. Et que les « cocos-trotskistes » ne viennent pas me casser les pieds : tout patron que je suis, il m’arrive de voter parfois (aussi) pour leurs représentants, avec joie ! Donc, en tant que « sympathisant », j’ai d’autant plus le droit de les critiquer sur leurs incommensurables tares.

Opinions ?

Dès qu’on défend simplement des valeurs républicaines comme la justice, l’égalité, la fraternité, l’école et la santé pour tous etc. on est plus un républicain, on est forcément un « rouge », un « coco », un « trotskiste », un « léniniste », un utopiste, un passéiste, un socialiste, un immobiliste, un « droit-de-lhommiste » et j’en passe… Bref, quelqu’un qui « n’aurait rien compris » au monde comme il va dans une mondialisation heureuse et gagnante*.

wpid-20060406_Figaro3-2006-04-7-01-26.jpg

C’est du même niveau intellectuel que les commentaires auxquels nous avons eu droit durant la campagne référendaire pour le traité (instituant une constitution…) européen. Il ne fallait pas poser de question sinon, on était forcément (dites-le avec moi) : « lepéniste », « devilliériste », ou « cocommuniste »… Voire pire : carrément inconscient.

C’est bien tout ce qu’il a à dire. Des idées recopiées bêêêtement sans réfléchir chez ses amis éditorialistes. Le tout mâtiné de larges généralités du genre « nos démocraties ». Sa démocratie oui, sans doute. Pas la mienne…
Cette jeunesse dont il parle a un niveau de réflexion, d’innovation et de conscience qu’il n’a jamais atteint, mais qu’il compense en mépris, en vacuité et en fatuité.

Zéro pointé pour l’innovation intellectuelle.

*Ça me rappelle le fameux jeu de Coluche « À qui perd… perd ! »

Who’s blind?

I used to read The Economist every week.

I used to read it, just like the Financial Times, because what is going on in the world matters to me, and I like factual data. But I’ve always been puzzled by the cynical dichotomy that exists between editorials (values) on one side, and facts (reports) on the other side.

It’s rather ironic to read the content of a magazine that years after years, describes with precision and without taboo the progression of extensive and total destruction of humanity and nature, as a direct result of ultra liberalism and it’s destruction of legal and social protections, and then reading the editorials and the front page…

wpid-Image4-2006-04-4-12-03.png

Who’s blind?
What is happening?

Remember the treaty:
The French, despite the tremendous and constant pounding of media in favor of the treaty, never giving any other arguments than « it’s inevitable », « it’s modern », « no is the voice of ultra nationalism » etc. In spite of all this, French discussed the actual content of the text, gathered all around the country in public meetings and on the Internet, where you could find lawyers, entrepreneurs, teachers, students, workers etc. in one word: people.
A real debate that neither the political parties nor the media would ever support, and that never actually took place on the front page of the media. So they decided… What the text wanted for them, they didn’t want. This is democracy. The French are probably the most pro European people of Europe! But they simply don’t want their everyday life to be ruled and governed in The City nor in Wall Street.

Today, the CPE:
Anyone who is interested in facts and data knows the CPE isn’t about opening the doors of businesses for the young unemployed giving more flexibility to « try them » or « explore and develop a market ». I had three employees and just laid them off a few months ago because I didn’t have the work for them anymore. I didn’t need the CPE for this, the CDI was fine.

The real question is ideological: it’s about gradually erasing the laws of the « Droit du travail » because the think tanks that have grabbed the seats of the Euro parliament and Commission want all the protections to be dismantled ASAP, in France as in the rest of Europe.

As long as the French were asleep, they didn’t pay attention on what was going on, hence why the CNE (same as CPE but for those over 26) just made his way through the parliament. For some reason (perhaps the Prime Minister was over confident when he said he will discuss and then didn’t) they started looking at what was going on…

The huge mistake of the past governments was simply to draw attention on the little « cuisine » that is being made in the back of the people. As soon as the French wake-up of their media dripped nap, they don’t behave like sheep.

Remember the 2002 Presidential elections:
Jospin didn’t have enough voters simply because the « peuple de gauche » had been discussing and debating on the future of France, and Europe, and had looked into what he and his comrades had actually done in their back. It wasn’t a question of charisma nor the irresponsibility of left wing candidates…

They were looking for a new leader who would speak their ideas. He wasn’t that one. Plus, everybody knew the PS (that still denies and doesn’t amend itself) had betrayed it’s voters and it’s allies by vouching for OMC immoral but profitable agreements, or other agreements such as Lisbon Agreements of 2000 (that gave birth to the CNE, the CPE and other joys of liberalism praised by neocons).

It’s the exact opposite of what some bore are stating all day long: when the French grab a problem, they explore it extensively, they analyze it and they take a matured decision. It’s too bad that they don’t actually do that more often: most of the year, the majority of French are sleeping in front of their TV, lulled by the voice of media lying at the feet of Lagardere, Pinault, Bouygues and Co.

Actually, French like to work, they are very productive (probably because for decades they were quite well brain powered by public education, they could concentrate on their duties without having to fear for their kids, their house, their security and their health). And because they do their work well and are productive, they simply think that work is not all, and that once the work’s done there is a life.

The question here is simple: it’ about the values of a society. It’s about Polis.

The only « chance » to stop the protesters and the takeover by a moribund PS now is that Sarkozy manages to fool the French people by diverting it’s attention on side tracks, or lure the people on another subject. If it works, as the addiction to intellectual laziness remains strong, the government will be able to go on…

Journaliers

« En phrases rapides, il remontait au premier Maheu, il montrait toute cette famille usée à la mine, mangée par la Compagnie, plus affamée après cent ans de travail ; et, devant elle, il mettait ensuite les ventres de la Régie, qui suaient l’argent, toute la bande des actionnaires entretenus comme des filles depuis un siècle, à ne rien faire, à jouir de leur corps. N’était-ce pas effroyable ? Un peuple d’hommes crevant au fond de père en fils, pour qu’on paie des pots-de-vin à des ministres, pour que des générations de grands seigneurs et de bourgeois donnent des fêtes ou s’engraissent au coin de leur feu ! »

Merci à Gérard Filoche

Rendez-vous avec X : Abou Moussad Zarkawi

Rendez-vous avec X, par Patrick Pesnot

FINTER.jpg Émission diffusée sur France Inter le samedi de 13h19 à 14h01

Écouter cette émission :
[audio:free_audio/RVX/2004/20041218_RVX.mp3]

——————————————————————————
Fiche de l’émission extraite du site de France Inter :

C’est l’homme le plus recherché d’Irak. Abou Moussad Al-Zarkaoui ! Le nouvel ennemi numéro un des États-Unis, le terroriste qui serait à l’origine de la plupart des attentats perpétrés en Irak, et surtout dans le fameux triangle sunnite, mais aussi le bourreau qui aurait parfois personnellement égorgé les otages capturés dans le pays… Et sa tête est maintenant mise à prix : elle vaut 25 millions de dollars. Autant que la tête de Ben Laden.

Et Ben Laden, justement… Zarkaoui ne serait rien moins que le représentant en Irak d’Al-Qaïda. Le meilleur associé de Ben Laden.

Toutefois, Monsieur X a des doutes. Et d’abord parce que personne ne sait exactement à quoi ressemble Zarkaoui, ce terroriste fantôme qui aurait réussi à s’enfuir de Falloudja lors de la sanglante bataille que vient d’y livrer l’armée états-unienne. Falloudja où il aurait établi son QG avant de disparaître mystérieusement.

Alors qu’en est-il exactement ? Zarkaoui est-il une créature imaginée de toutes pièces par les Américains ? Ou bien est-il réellement ce redoutable terroriste que Washington, mais aussi le gouvernement du Premier ministre Ilyad Allaoui, recherchent en vain ?

Programmation musicale :

• Claude Chalhoub : Gnossienne
(Teldec)

• Fawsy Al-Aiedy : Djaria

• Mich Gerber : Zephyr

Livres :

Richard Labévière
Les coulisses de la terreur
éditeur : Grasset
parution : 2003

Eric Denécé
Al-Qaïda, les nouveaux réseaux de la terreur
éditeur : Ellipses
parution : 2004

Rendez-vous avec X : Iyad Allawi, le 1er ministre irakien

Rendez-vous avec X, par Patrick Pesnot

FINTER.jpg Émission diffusée sur France Inter le samedi de 13h19 à 14h01

Écouter cette émission :
[audio:free_audio/RVX/2004/20041211_RVX.mp3]

——————————————————————————
Fiche de l’émission extraite du site de France Inter :

Rappelez-vous, c’était en septembre 2004. Un homme déclarait à propos du kidnapping de mes confrères Christian Chesnot et Georges Malbrunot : « ce rapt est une sorte de leçon administrée à la France, la preuve que Paris a eu tort de ne pas participer à la guerre contre l’Irak et de se croire à l’abri du chaos qui y règne. »

Non, il ne s’agit pas de George Bush mais du Premier ministre irakien désigné, Iyad Allaoui. Inutile de dire que ce propos brutal et peu diplomatique a entraîné aussitôt une réplique ferme et justifiée de Paris. Mais cela m’a donné envie d’en savoir plus sur ce dirigeant dont on dit qu’il est non seulement une créature des Américains mais aussi un agent de la CIA. (Agent sans doute mais qui est en train de tourner lentement casaque : veut retarder de 6 mois les élections irakiennes prévues en janvier prochain et tente de faire revenir en Irak des baassistes exilés …)

Cette semaine, Monsieur X nous livre donc sa réponse… Une plongée ténébreuse dans les arrière-cours des services secrets et les luttes de pouvoir à l’intérieur de l’opposition irakienne à Saddam Hussein. Un retour aussi sur les manipulations effectuées pour lancer les Etats-Unis dans la deuxième Guerre du Golfe. Essentiellement l’affirmation que l’Irak possédait des armes de destruction massive et que Saddam Hussein avait des liens avec Al-Qaïda…

Programmation musicale :

• Naab : Le Souk
(Bloom Records . 2003)

• Oriental Angel : Leïla
(Atoll Music . 2004)

• Master Musiciens of Jajouka feat. Bachir Attar : You can find the feeling
album : Cage mundo : An electro world experience
(Universal . 2003)

Livres :

Pierre-Jean Luizard
La question irakienne
éditeur : Fayard
parution : 2002

Georges Malbrunot et Christian Chesnot
Saddam Hussein, portrait total
éditeur : Editions 1
parution : 2003

Catherine Durandin
La CIA en guerre
éditeur : Grancher
parution : 2002

Rendez-vous avec X : Dien Bien Phu

Rendez-vous avec X, par Patrick Pesnot

FINTER.jpg Émission diffusée sur France Inter le samedi de 13h19 à 14h01

Écouter cette émission :
[audio:free_audio/RVX/2004/20041204_RVX.mp3]

——————————————————————————
Fiche de l’émission extraite du site de France Inter :

« Mais c’est un pot de chambre ! On va nous pisser dessus de tous les côtés ! » L’homme qui s’exprime aussi trivialement est un capitaine des services de renseignement français et il parle de Diên Biên Phu… La cuvette de Diên Biên Phu où l’armée française va connaître l’un des plus grands désastres de son histoire. Une défaite qui efface presque d’un seul coup des décennies de présence française en Indochine…

Mais que s’est-il vraiment passé à Diên Biên Phu ? Cinquante ans après cette catastrophe au cours de laquelle des milliers de soldats ont trouvé la mort, peut-on clairement et objectivement déterminer les responsabilités des uns et des autres ?

Les hommes politiques de la IV° République se sont généralement défaussés sur les militaires. Leurs chefs ont fait un choix désastreux en fixant l’élite de l’armée dans une cuvette difficilement défendable… Pour les généraux, la faute originelle revient au contraire aux différents gouvernements de la IV° République, incapables de tracer une ligne claire et coupables d’avoir laissé l’armée s’embourber en Indochine sans lui donner les moyens de lutter efficacement contre les combattants communistes du Viet-minh… Il faudrait encore ajouter que ces généraux n’étaient pas d’accord entre eux. En particulier sur le choix de Diên Biên Phu.

Mais au fond, la véritable explication n’est-elle pas que le contingent français était condamné à perdre face à une armée révolutionnaire et nationaliste ? Tout comme les Américains, vingt ans plus tard…

Programmation musicale :

• Thanh Tâm : Cung dàn dât nuoc
(Trikont . 1998)

• Gary Lucas : The wall
(EMI . 2001)

Livres :

Philippe Franchini
Les guerres d’Indochine
éditeur : Pygmalion –
parution : 1988

Roger Delpey
Diên Biên Phu, histoire d’une trahison
éditeur : Grancher
parution : 2004 (réédition)